Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Romance malsaine qui nous emporte dans les tréfonds de deux êtres torturés, la série « Killing Stalking », initialement paru en Corée en tant que webtoon, débarque en France directement sous forme papier. Nous allons voir si ce thriller méritait de quitter le petit écran des portables pour s’afficher sur papier glacé.
Bum Yoon aime un homme en secret. Il en est même obsédé au point de suivre sa vie au travers des réseaux sociaux, voire de le suivre physiquement dans la vraie vie. Discret et chétif, Bum Yoon se faisait harceler à l’armée. C’est là qu’il a rencontré le fameux Sangwoo : objet de ses fantasmes venu à sa rescousse. Mais le jeune homme a décidé de plus être un simple stalker passif. Il passe à l’action en espérant visiter par ruse la maison de Sangwoo. Avec une technique digne d’un cambrioleur, et manquant de se faire prendre par la police, il va finalement réussir à pénétrer dans la demeure et va y découvrir un bien curieux secret : une femme est retenue captive dans sa cave et il l’a visiblement torturée.
Ce récit qui débute comme une romance homosexuelle banale, avec néanmoins un petit côté voyeurisme, devient, au fil des pages, un thriller glauque. Impossible d’ignorer l’origine de cette histoire venu du webtoon. La disposition des cases éclatée et non conventionnelle, avec de larges portions vierges entourant certaines scènes, trahit le changement de lecture. On passe d’une narration verticale sans fin sur un écran de téléphone à des pages structurées et affichées deux par deux. Ce changement de medium permet d’avoir une lecture de gauche à droite et, surtout, un album tout en couleurs. On se retrouve avec un produit proche d’un animé comics : ces livres qui retranscrivent l’action d’un film sous forme d’art séquentiel. Un changement qui est loin d’être déroutant, car l’histoire reste fluide et les espaces laissés vierges offrent un répit bienvenu.
L’univers de « Killing Stalking » est oppressant. Ce n’est pas la violence graphique qui est la plus dérangeante. Rien n’est réellement fait pour donner la nausée au lecteur. En revanche, la violence psychologie et le contrôle qu’opère Sangwoo envers Bum Yoon sont extrêmement dérangeants. Il faut voir, qu’au départ, Bum Yoon nous est présenté comme une personne malsaine qui surveille une autre personne contre son gré. C’est clairement du harcèlement. Mais quand les rôles s’inversent, que l’on découvre que Sangwoo n’est finalement pas un jeune homme sans histoire, le récit prend une tout autre tournure. Sur prêt de 200 pages, l’asservissement psychologique de Bum Yoon se conclut par un cliffhanger spectaculaire qui nous fait craindre le pire pour le jeune homme déjà bien éprouvé. À quand la suite  ?
Le lecteur n’est peut-être pas totalement surpris s’il a choisi ce titre à sa couverture qui est clairement annonciatrice d’une violence extrême. Voilà donc un passage réussi de l’écran au papier. La réponse à la question d’introduction est donc un grand oui.
Gwenaël JACQUET
« Killing Stalking » par Koogi
Éditions Taifu Comics (11,99 €) – EAN  : 9782375062029