Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Un classique réinventé avec élégance : les suites du voyage de Gulliver après ses rencontres avec les Lilliputiens et les géants…
Jonathan Swift publie en 1721 « Les Voyages de Gulliver ». Ce roman satirique est un best-seller dès le XVIIIe siècle. Les passages de son héros au pays de Lilliputiens, puis dans le royaume des géants de Brobdingnag sont connus de tous. Bertrand Galic a décidé d’adapter le troisième voyage de Lemuel Gulliver, celui qui le mène de Laputa au Japon. Le pamphlet social a des résonances très contemporaines que Paul Echegoyen met en images avec une poésie singulière.
Londres, août 1706, Lemuel Gulliver se remet en famille de deux voyages mouvementés à l’autre bout du monde. Alors qu’un violent orage frappe la capitale anglaise, il se réchauffe au coin du feu auprès de sa femme et de ses deux enfants. Mais le chirurgien de marine a toujours soif d’aventures. Il accepte facilement la proposition du capitaine Robinson, d’autant que ce voyage aux Indes orientales mettra sa famille à l’abri du besoin et qu’il ne croisera ni Lilliputiens ni géants.
Dix mois plus tard, la situation de l’équipage du capitaine Robinson est critique.
Au Tonkin, un retard de livraison oblige les Anglais à accepter une mission de cabotage. Le navire qui devait longer le littoral Vietnamien est emporté au large par une tempête. Gulliver qui le commande ne peut le défendre contre une attaque de pirates orientaux.
Laissé seul à la dérive sur un fragile canot, l’aventurier est heureux d’accoster sur une île déserte sur laquelle il survit en volant les œufs des goélands.
Son salut vient du ciel : d’une cité flottant en apesanteur au-dessus de l’archipel où il s’est réfugié.
Gulliver est tracté à l’aide d’une chaise jusqu’à l’île volante de Laputa.
C’est le début d’une odyssée fantastique qui le mène de Laputa au pays dominé de Balnibarbi puis de l’académie de Lagado, – dans laquelle des scientifiques abusent d’expériences spéculatives farfelues au point de perdre le sens commun -, à Glubbdubdrib, l’île des sorciers où un nécromancien peut ramener pour 24 heures à la vie tous les revenants qu’il veut.
Avant de revenir au Japon puis dans les îles britanniques, Gulliver termine son voyage fantastique par un pays, Luggnagg, où vivent des immortels. Expérience peu tentante pour le pragmatique chirurgien.
Cette libre adaptation du troisième voyage de Gulliver procure un véritable bonheur de lecture. De ce périple moins connu que celui vers Lilliput et l’île des géants, Bertrand Galic dresse un conte fantastique entre réalité, l’Angleterre, le Tonkin ou le Japon, et monde imaginaire.
De quoi actualiser un pamphlet sociétal du siècle des Lumières qui s’attaque aux abus de pouvoirs des puissants, à l’aveuglement des dirigeants et à la misère d’un petit peuple abruti par le travail pour simplement survivre. Swift et Galic vont plus loin, Gulliver se fait candide, le conte devient philosophique en questionnant la place de la science dans la société, la notion même de progrès et en se confrontant au temps qui passe, à la nécessité de la mort et du deuil, par exemple.
Paul Echegoyen apporte son trait d’une belle puissance onirique aux onze chapitres d’un album qui nous enchante autant par son invention narrative que par l’humour de ses dialogues et un univers graphique original, d’une rare élégance. Les planches d’une grande richesse de détails surprennent par leurs tonalités, entre la violence de certains jaunes et l’aspect terreux des ocres. La mélancolie des visages se fond dans des décors ciselés aux nombreux détails comme dans les gravures d’ancien régime. On ne peut que regretter l’absence dans le monde de la bande dessinée du dessinateur depuis sa participation, il y a six ans déjà, au côté de Benjamin Lacombe à la biographie de Léonard de Vinci publié aux éditions Soleil, intitulé « Léonard & Salaï »
Nous vous conseillons la lecture de cette très belle adaptation du conte de Swift, l’occasion de découvrir le troisième voyage de Gulliver, moins connu que les deux premiers malgré son évocation dans le très beau dessin animé « Le Château dans le ciel » d’Hayao Miyazaki dans lequel le château volant se nomme évidemment Laputa.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Voyages de Gulliver, de Laputa au Japon » par Paul Echegoyen et Bertrand Galic
Éditions Soleil, collection Noctambulle (17,95 €) – ISBN : 978-2-302-07265-7
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