Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Liberty Bessie » : cap sur Tripoli !
Les exploits de Garry, Vigor, Battler Britton, Tony Cyclone et de bien d’autres héros du ciel au cours de la Seconde Guerre mondiale ont fait rêver les jeunes lecteurs des années d’après-guerre. Aujourd’hui, la fascination pour les exploits de ces pilotes de légende est toujours aussi vive et les séries surfant sur ce thème ne manquent pas. « Liberty Bessie » en est un bel exemple…
En ces années 1940, rêver de devenir pilote, alors qu’on réside à Tuskegee au cœur de l’Alabama ségrégationniste, n’est pas sérieux. Surtout lorsqu’on est une jeune femme à la peau noire. Bessies Bates est prête à tous les sacrifices pour réaliser son rêve, d’autant plus qu’elle est persuadée que son père, Farell Bates, est encore en vie quelque part dans le désert libyen. Membre des Ruskegee Airmen, groupe de pilotes afro-américains originaires de Tuskegee, son avion aurait été abattu au-dessus de l’Italie. Tenace, elle finit par gagner Paris ville de toutes les libertés où elle obtient son brevet de pilote. Arrivée en Afrique du Nord à bord d’un DC3 emprunté à des employeurs français peu scrupuleux, elle troque l’appareil contre un vieil hydravion, afin de brouiller les pistes. Rejointe par son ami, le jeune mécano Max, elle finit par apprendre que son père est vivant, caché dans les ruines d’une ancienne cité romaine en Libye, traqué par d’anciens fascistes italiens…Ce récit passionnant, aux personnages attachants, permet au dessinateur de mettre en scène une somptueuse galerie d’engins volants dont il régale ses lecteurs. Suspense, exotisme, grande et petite histoire, sans oublier une note d’humour, se succèdent tout au long d’une intrique riche et haletante. Vincent appartient à cette race de dessinateurs en voie de disparition qui soignent chaque page, peaufinent chaque dessin, ne laissent pas passer le moindre détail. « Liberty Bessie », aux couleurs délicates réalisées par Vincent, est un régal pour les yeux. C’est lui aussi qui est à l’origine de l’histoire écrite avec la complicité de ses amis les scénaristes Pierre-Roland Saint-Dizier et Jean-Blaise Djian.Né le 10 août 1974 à Aurillac, Vincent (Beaufrère) travaille pour les jeux vidéo et la 3D avant d’aborder la bande dessinée avec le remarqué « Albatros » en 2005, publié aux éditions Glénat. Viennent ensuite « L’École Capucine » avec Djian, puis « Chimère(s) 1887 » avec Christophe Pelinq alias Arleston de 2010 à 2018. Autant d’œuvres de premier plan qui le hissent rapidement au rang des meilleurs dessinateurs réalistes de sa génération. L’an dernier, il a obtenu le prix 2019 du meilleur album aéro pour le premier volet de « Liberty Bessie ».Bien que ce récit soit complet en deux albums, on ne peut qu’espérer revoir un jour prochain ce sacré petit bout de bonne femme éprise de justice et de liberté.
 Henri FILIPPINI
 « Liberty Bessie T2 : Sur la trace des Maylaros » par Vincent, Jean-Blaise Djian et Pierre-Roland Saint-Dizier
Éditions Vents d’Ouest (14,50 €) — EAN : 978 2 7493 0905 7