Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Une saga nordique shakespearienne par un auteur néerlandais reconnu…
Avec le succès de la série télévisée canado-irlandaise « Vikings », les histoires de guerriers scandinaves sont plutôt à la mode ces temps-ci : la culture et la mythologie nordique n’ayant de cesse d’intriguer les amateurs de récits d’aventures exotiques. Cependant, avec ce roman graphique de 192 pages de fort belle facture, lequel nous fait découvrir les impressionnants et rigoureux paysages de l’Islande — la terre de feu et de glace — pendant le Xe siècle, Erik Kriek s’impose dans nos contrées comme un créateur de bandes dessinées des Pays-Bas incontournable, par son trait remarquable et l’authenticité de cet « Exilé » !
Alors qu’il a démarré sa carrière avec la publication de bandes parodiques au format comics (« Gutsman » en dix opus sans texte, cpubliés par Oog & Blik entre 1998 et 2007, ou les trois « Little Andy Roid » chez De Plaatjesmaker et Oog & Blik, de 2000 à 2008), cet étonnant artiste s’est bâti, depuis, une très bonne réputation avec divers travaux d’illustrations (notamment les couvertures des œuvres de Tolkien ou de la série « Harry Potter ») et deux autres albums déjà traduits en France chez Actes Sud/L’An 2 : « L’Invisible et autres contes fantastiques » (2012) et « Dans les pins : 5 ballades meurtrières » (2015).
Son trait sans concession, à l’encrage fort contrasté et à l’insolite bichromie grise ou rouge, explose littéralement dans « De Balling » : titre original de cet imposant et envoûtant album paru en néerlandais chez Scratch Books, en mai 2019.
Quoique fortement inspiré par la culture graphique américaine, on sent qu’Erik Kriek s’inscrit aussi dans la tradition du style réaliste hollandais : celui qui a été forgé par des auteurs comme Alfred L. Mazure, Henk Sprenger, Hec Leemans, Carry Brugman… et surtout Hans G. Kresse avec son « Eric de Noorman » (« Éric, l’homme du Nord ») aux thématiques très proches.
Bref, le dessin est l’un des grands atouts de cette épopée qui prend son temps sur le plan narratif, mais dont l’action est pourtant bien rythmée et qui s’éloigne habilement des clichés : notamment grâce aux références ethniques placées dans les dialogues ou à l’atmosphère générale assez étrange, voire atypique. 
Le héros, l’Islandais Hallstein Thordsson, revient dans son lieu de naissance après avoir été exilé sept ans plus tôt pour le meurtre de son ami d’enfance Hrafn Ragnarsson.
Ce personnage au passé controversé, qui doit vivre avec ses erreurs et assumer son crime, sera-t-il en mesure de se réhabiliter et de retrouver la paix tant attendue ?
Enfin, on appréciera l’effort technique consenti par les éditions Anspach, lesquelles nous proposent la traduction réussie de ce western au temps des Vikings imprimée sur un très beau papier Muncken Lynx 1.13 et reliée dans un volume au dos carré et cousu toilé que l’on tient agréablement en main.
Gilles RATIER
« L’Exilé » par Erik Kriek
Éditions Anspach (29 €) — EAN : 978-2-9602104-8-4
