Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Dans « Toajêne », BD déjantée et jubilatoire, les microbes peuvent aussi tomber amoureux…
Certains microbes sont pourvus d’intelligence… Si, si ! En tout cas beaucoup plus que les espèces de monstres nuls en calcul ne comprenant rien à rien qui peuplent l’univers microscopique. Eux, au moins, ils savent compter et peuvent même s’émouvoir devant la projection d’un classique du cinéma. D’ailleurs, il y en a un, au visage humain, qui va tomber amoureux de l’actrice Maureen O’Sullivan dans le film « Tarzan » (avec Johnny Weismuller) et finira par redonner espoir à l’humanité accablée… Vous avez compris, « Toajêne » est un récit burlesque, totalement barjot, qui touche, néanmoins, à la fantaisie poétique !
Même s’il ne mesure qu’un micromètre, notre héros se prend donc pour MoaTarzan, le roi des z’animaux.
Comme il a réussi à pousser son terrible cri, il ne lui reste plus qu’à trouver la belle ToaJêne…
Toutefois, il sauve d’abord l’une de ces créatures sans cervelle dont on vous a parlé dans l’introduction de cette chronique — qu’il va appeler Tchita —, laquelle va le suivre dans sa quête amoureuse.
Toujours flanqué de son animal de compagnie, notre remarquable micro-organisme parvient à communiquer avec un chercheur patenté qui a perdu un œil à cause de l’épidémie frappant aujourd’hui le monde entier.
Et, en poussant le cri de MoaTarzan, il va lui rendre cet organe quasi vital.
L’avenir de l’humanité dépend donc, désormais, de ce microbe que seul stimule son amour pour l’icône du 7e art qu’il appelle Toajêne…
Avec cette improbable odyssée exubérante d’une amibe juvénile qui va tous nous sauver de la pandémie, Bruno Bozzetto, artiste italien issu de l’animation, a créé un récit complètement loufoque, aussi drôle qu’enchanteur ! Ses cocasses dialogues, malins et bien tournés, ainsi que ses divertissantes mises en situation, sont étonnamment imagés par le trait libéré de Grégory Panaccione : son talentueux compatriote déjà remarqué sur la saga « Chronosquad » (avec Giorgio Albertini), sur le « Donjon Antipodes » de Joann Sfar et Lewis Trondheim ou encore sur « Un océan d’amour » (un scénario de Wilfrid Lupano), chez le même éditeur (1). Notons, qu’ici, il adopte progressivement un style convaincant qui se rapproche un peu de celui qu’utilisait Moebius à l’époque de ses premières bandes dessinées dans Hara-Kiri, oscillant alors, avec brio, entre une caricature et un semi-réalisme de bon aloi.
(1) Voir sur BDzoom.com : « Chronosquad T3 : Poulet et cervelle de paon à la Romaine » par Grégory Panaccione et Giorgio Albertini et Donjon, la série mythique de Sfar et Trondheim, revient… : et ça nous fait plaisir !.
« Toajêne » par Grégory Panaccione et Bruno Bozzetto
Éditions Delcourt (19,99 €) — EAN : 978-2-4130-2751-5
Bruno Bozzetto : 82 ans !