Saviez-vous qu’en 1916, à Unicoi (comté de l’État du Tennessee, aux États-Unis), une éléphante prénommée Mary a été condamnée à mort et pendue à une grue pour avoir écrasé la tête du dresseur qui la battait ? Eh oui, en Amérique, à cette époque-là, on ne rigolait pas avec la loi, même en ce qui concernait les animaux à qui ont accordait, suivant la croyance populaire, une conscience morale. La plupart d’entre eux devant alors être exécutés, il y aurait eu, d’après l’excellent narrateur et dessinateur David Ratte (1), des bourreaux assermentés qui devaient parcourir tout le pays pour appliquer la sentence suprême à ces bestioles assassines, à la suite de décisions issues des procédures fédérales. C’était d’ailleurs le métier du jeune Jack Gilet : un type un peu paumé qui aimait tellement les animaux qu’il ne voulait pas qu’on les abatte comme des bêtes…
Lire la suite...Billy Noisettes : le chérubin golem…
Connu pour sa série de strips « Maakies », comics mettant en scène Oncle Gaby, le singe de chiffons et son comparse Monsieur Corbeau, la nouvelle création de Tony Millionaire, « Billy Noisettes », vient secouer nos librairies. Récompensé par le Prix Eisner du meilleur auteur humoristique en 2007, cet élégant album est arrivé en France par la grâce des Éditions Huber.
Parce que Madame Rimperton ne cesse de les chasser de sa cuisine, une bande de souris décide de se venger.
Pour ce faire, elles créent un homoncule composé de restes de tourte à la viande, de mélasse, de feuilles de menthe et de mouches en guise d’yeux.
Baptisée Billy aux Mouches, la créature réussit à effrayer la fermière lors de son premier passage dans la cuisine, mais elle est fortement blessée par le chat de la ferme lors de sa deuxième mission.
C’est en allant chercher du lait que la fille de Mme Rimperton, Becky, découvre Billy dans la grange.
Ayant pitié de lui, elle panse ses plaies grâce à un mélange de beurre et de miel et remplace ses mouches oculaires par une paire de noisettes.
La créature trouvera ainsi son patronyme définitif, Billy Noisettes, et naîtra de fait une amitié sincère.
Outre Becky, prodigieuse scientifique en herbe, Billy Noisettes croisera durant ses aventures la route de Rupert Châtaigne, lutin ferrailleur d’étoiles, d’Eugène, enfant poète amoureux de Becky, un pirate crocodile mécanique et un bébé hibou.
Mais comme la créature de Frankenstein, son grand frère littéraire, Billy Noisettes a du mal à gérer ses émotions.
Même lorsqu’il veut bien faire, son tempérament ombrageux, son impatience, sa vivacité, l’entraînent de rocambolesques péripéties, rendues encore plus incroyables par l’univers intime de Tony Millionaire.
Au sein d’une atmosphère victorienne, Tony Millionaire incorpore des schèmes populaires à la croisée du XIXe et XXe siècle.
Visuellement, il invoque le monde de la gravure de Gustave Doré ou de Grandville et celui des strips de Winsor McCay ou de George Herriman.
La narration est proche de celle du commencement du cinématographe, combinant l’énergie des slapsticks avec l’inventivité visuelle de Georges Méliès ou, plus proche de nous, de Jan Svankmajer.
« Billy Noisettes » est un nouveau voyage au Pays des Merveilles, un songe au goût bizarre, mais durablement addictif.
Brigh BARBER
« Billy Noisettes » par Tony Millionaire
Éditions Huber (22 €) — EAN : 9 782 955 261 057