Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
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Dès la couverture, on sait qui est la Béatrice qui donne son titre à l’album. Elle est là, mise en lumière, de rouge habillée, en pleine réflexion, seule à sa table de café, mais dans un environnement grouillant de clients qui boivent, qui parlent, qui rient (rien voir avec un quelconque confinement !). À l’extérieur, dans la rue, c’est très vivant également et plein de petits détails dessinés, crayonnés. De fait, on n’a plus qu’une envie : découvrir le monde de Béatrice et ce à quoi elle réfléchit…
Les premières pages nous invitent à nous promener avec elle dans les rues d’une grande ville dont toutes les enseignes prouvent qu’on est en France et probablement à Paris. On la suit sur des boulevards grouillant de vie, de vie à touche-touche, de vie embouteillée d’autos aux formes rondes plutôt années Soixante. Elle émerge peu à peu de ce foisonnement surpeuplé, elle qui vit seule et qu’on découvrira dans le décor un peu suranné de son appartement, lisant « Bonjour tristesse ».
Un matin, à la gare, alors qu’elle va embaucher – Béatrice est vendeuse de gants dans un grand magasin, les Galeries La Brouette -, elle remarque un sac rouge déposé contre une poubelle. Dans ce monde plutôt sépia, il se détache, comme elle.
Le jour suivant, Béatrice ne résiste pas et s’en empare. Elle l’emporte chez elle. Il contient un album de vieilles photos d’un couple manifestement très heureux. Elle tente alors de retrouver les lieux de ces photos. La petite vendeuse se fait détective…
Le dessin très fouillé et nerveux, façon de Crécy quelquefois, est extrêmement séduisant et chaleureux, d’autant que totalement muette, cette histoire s’observe plus qu’elle ne se lit. On se laisse emporter comme l’héroïne, dans le passé de ce couple photographié dont la femme n’est pas sans ressembler à Béatrice, celui d’un bonheur qui fait rêver la jeune femme solitaire et pourrait faire basculer sa routine, sa monotonie. Mais n’en disons pas plus.
En tout cas, pour Joris Mertens, homme de télévision et de cinéma, c’est un premier album et un coup de maître.
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Béatrice » par Joris Mertens
Éditions Rue de Sèvres (19 €) – ISBN : 978-2-8102-1625-3
Ouvrage de grande qualité ! Il me hante depuis que je l’ai lu début mars. Un album qui, dans un premier temps, peut se lire rapidement (ou pas) mais qui ensuite vous invite gentiment à le feuilleter régulièrement. C’est plus un album de relecture(s) que de lecture.
Magnifique !
Quant à la ville, je tablerais plutôt sur Bruxelles, une sorte de Bruxelles fantasmée.
Amicalement,
PG
Ce doit être New York sur Loire tout simplement…
Très très beau et un côté fantastique qui a l’air atirant Merci