Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Si vous ne savez pas où l’on trouve le meilleur thé, rendez-vous au Cercle du dragon-thé…
L’univers de la fantasy ne se limite à une terre de combats, de magie démoniaque et de coexistence difficile entre orcs, gobelins et autres elfes. Non, il concerne aussi des mondes bienveillants à la magie douce comme celui de la bande dessinée de la Néo-zélandaise Katie O’Neill : « Le Cercle du dragon-thé ». Une lecture délicate et apaisante comme la dégustation d’une bonne tassé de thé.
Greta est une jeune fille posée qui commence à se former à son futur métier de forgeronne. Sa mère, une forte femme d’origine gobeline, l’initie aux gestes ancestraux autour d’une enclume. Mais les temps ont changé, plus besoin de fabriquer des outils pour les guérisseurs, des fers pour les sabots des chevaux ou d’épées pour que les aventuriers tuent les monstres.
Non, maintenant la production familiale, de la ferronnerie d’art, est vendue par la fin et distingué père de Greta. En revenant du marché, l’apprenti forgeronne voit deux loups noirs attaquer un pauvre petit animal. Greta sauve le jeune dragon vert aux cornes ornées d’un étrange feuillage. Le lendemain, elle le ramène à son propriétaire.
Le vieil Hesekiel tient un magasin de thé à la sortie de la ville. Il apprend à Greta que la petite créature qu’elle a recueillie est un dragon-thé nommé Jasmine. C’est un animal rare et fragile dont les feuilles qui poussent sur les cornes sont récoltées pour produire une infusion très particulière. Une complicité se noue entre le marchand de thé et Greta qui souhaite prendre soin d’un dragon-thé. En rentrant chez elle croise, une jeune fille amnésique et timide, l’énigmatique Minette.
Par la suite, Greta et Minette nouent, petit à petit une amitié sincère. Les deux jeunes filles apprennent dans le même temps à mieux connaitre les dragons-thé et leurs propriétaires : Hesekiel et Erik, son compagnon. Celui-ci est un ancien aventurier resté paraplégique après un combat contre un dragon violent. Depuis, Erik est cloué sur un fauteuil roulant. Il vit et travaille avec Hesekiel dans le magasin de thé. En un an, tout doucement, au rythme des saisons, Greta apprend beaucoup avec ses nouveaux amis.
Conte bienveillant, « Le Cercle du dragon-thé » surprendra plus d’un lecteur francophone.
Pas de mièvrerie dans ce récit d’initiation mais une belle histoire qui prend son temps, sur quatre saisons, pour narrer le développement de la personnalité d’une jeune fille par son ouverture au monde, au-delà du simple cercle familial.
Greta construit ainsi patiemment des liens d’amitiés solides avec Hesekiel, Erik puis la renfermée Minette. Elle prend peu à peu ses marques dans un monde inclusif et tolérant : sa mère au caractère affirmé exerce un métier masculin pendant que son père, moins imposant s’occupe de la vente, Hesekiel et Erik forment un couple de même genre et le handicap d’Erik s’intègre naturellement dans la construction du récit.
Les belles planches de Katie O’Neill sont dessinées par infographie, sans contours ni de formes ni de cases. Le trait est simple mais expressif, les personnages se détachent sur de grands aplats de couleurs printanières, des ambiances chaudes parfois agrémentées d’entrelacs végétaux du plus bel effet. Décorations que l’on retrouve dans le « Guide des dragons-thé » : un amusant et didactique bestiaire sur ces étranges animaux qui complète l’album.
« Le Cercle du dragon-thé » a été récompensé de l’Eisner Award de la meilleure publication pour enfants (9-12 ans) et du meilleur webcomic en 2018.
Récompenses méritées quand on devine au-delà de la gentillesse qui déborde de l’histoire, un conte moral assez fin sur la construction de l’amitié par le respect porté à l’autre et sur l’appropriation, à un âge charnière, de ce que l’on est au plus profond de soi.
Ce récit d’apprentissage est une parabole qui rejoint notre actualité marquée le confinement en mettant en avant le doux moment du tea-time, le besoin de prendre son temps et de profiter de la vie.
Pour les lecteurs attendris par « Le Cercle du dragon-thé », signalons que les éditions Bliss publieront bientôt trois nouveaux albums de Katie O’Neill : « Princesse Princesse », puis les traductions de « Aquicorn Cove » et « The Tea-Dragon Festival ».
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« Le Cercle du dragon-thé » par Katie O’Neill
Éditions Bliss (15,00 €) – ISBN : 978-2-37578-210-1