Vous reprendrez bien un peu de cuisses de dragon ?

Imaginez un monde où les dragons sillonneraient les airs comme les baleines les mers. Un monde où les bateaux de pêche seraient remplacés par des dirigeables puissamment équipés pour attraper ces monstres. Un monde où ce travail ingrat serait l’apanage d’un équipage malheureusement peu apprécié par la population. Un monde où en effet, quand on aperçoit, le dragon il faut espérer que les dragonniers ne soient pas loin, et que le combat peut commencer.

Relique d’une autre époque, le Quin Zaza est l’un des derniers dragonniers, ces dirigeables spécialement équipés pour la chasse aux dragons, encore en activité. À son bord, des personnages hauts en couleur et surtout extrêmement hétéroclites : l’histoire se focalisant sur deux chasseurs en particulier : Takita, une nouvelle recrue, et Mika, une vraie tête brûlée, mais surtout un fin connaisseur des dragons. Le lecteur va donc découvrir la vie à bord du Quin Zaza, en suivant celle de Takita qui découvre la chasse au dragon en même temps que nous. Elle est motivée et considère cet équipage comme sa famille. Les dragonniers n’ayant aucun port d’attache, ils voguent là où le devoir les appels. Mika, la tête brûlée de l’équipe connaît tous les points forts comme le point faible des dragons. Il n’hésite pas à se lancer littéralement sur eux pour les achever le plus rapidement possible et surtout sans avoir à les électrocuter : cela change le goût de la viande selon lui. Et c’est ce goût inimitable qu’il recherche, car en plus d’être un chasseur intrépide, c’est un cuisinier hors pair. Manger du dragon, c’est toute sa vie. 

Voilà une bonne raison de livrer entre chaque chapitre des recettes pour accommoder cette viande de dragon, telle qu’elle est décrite dans l’histoire. Bien sûr, dans notre monde, ces lézards volants n’existent pas. Du coup, il suffit de remplacer cette viande par une autre pour avoir une véritable recette de plat apparemment succulent. Chasser le dragon, c’est un peu comme chasser la baleine, le contexte est quasiment le même, sauf qu’ici ces animaux sont clairement nuisibles : puisque ce sont des prédateurs en haut de la chaîne alimentaire. Ils terrorisent les villageois et commettent de sacrés dégâts sur leurs passages. Pourtant, les dragonniers ne sont généralement pas les bienvenus. On dit même que là où ils passent on voit apparaître un dragon. Or, c’est tout l’inverse, là où se trouve le dragon, ils se rendent. Du coup, leur vaisseau est équipé pour une vie en autarcie. Ils vendent une partie des dragons capturés et utilisent le reste pour leurs besoins. Que ce soit la chair pour manger ou la graisse qui sert de carburant, tout est bon dans le dragon.

Les amateurs d’animation et de mangas auront sans doute remarqué, dès la couverture, que cette bande dessinée rend un hommage appuyé à la première grande œuvre d’Ayaho Miyazaki  : « Nausicäa de la vallée des vents ». Les tenues des dragonniers ressemblent à s’y méprendre à ce que porte l’héroïne pacifiste et amoureuse de la nature de Miyazaki. On retrouve, bien sûr, des personnages habillés de vêtements amples, d’un bleu franc, agrémenté de lunette de type aviateur. Mais également des dirigeables étrangement semblables aux vaisseaux volants dans « Nausicäa », voire même une copie de son aile volante emblématique de l’œuvre. Toutes ces similitudes sont clairement des hommages, impossible de le voir autrement tellement elles fourmillent dans ce manga. Même le trait à la plume, s’il est loin du pinceau lourd et charbonneux de Miyazaki, est très proche de ce que le maître nous a proposé en manga, il y a maintenant près de 40 ans avec ses hachures omniprésentes. Taku Kuwabara a heureusement su développer un monde à lui et une narration dynamique qui lui est propre. L’action est constante et la chasse à travers les airs et les nuages, haletante.

Voici un manga atypique combinant action et recette de dragons. Un mélange inattendu, mais qui fonctionne à merveille. On s’attache aux personnages et ils nous transmettent leur savoir avec ces quelques idées culinaires. Avec sept volumes pour le moment, la série est toujours en court au japon. En France, les premiers volumes vont s’enchaîner à raison d’un tous les trois mois. Une version animée de très bonne facture est déjà disponible et coïncide avec cette sortie française.

Embarquez à bord du Quin Zaza pour un voyage dépaysant fait d’aventure, d’action et de bons gueuletons : tout un programme !

Gwenaël JACQUET

« Drifting Dragons » T1 par Taku Kuwabara
Éditions Pika (7,50 €) — ISBN  : 978-1632368904

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