Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Et maintenant : une plongée dans la mythologie égyptienne pour les rescapés d’Eden …
À la fin du premier volume de la série « Les Rescapés d’Éden », nous avons laissé deux adolescents désemparés après l’effondrement de leur pacifique cité d’Éden. Yab et Soléa se trouvent maintenant perdus au cœur d’une jungle préhistorique dangereuse. Ils y découvrent un village inattendu et une population aux mœurs étranges. Après la Genèse, les auteurs revisitent les premiers mythes égyptiens avec toujours beaucoup d’imagination, et de l’humour, énormément d’humour.
Le tome 1 de la série, « Au Commencement … » narre les derniers jours de la belle cité d’Éden il y a près de 300 000 ans, mais oui. Y prospère une société urbaine qui ressemble beaucoup à la nôtre avec des adolescents connectés au réseaux sociaux, des rues embouteillées de véhicules motorisées et le développement de l’intelligence artificielle. Haroun, un scientifique chevronné, s’inquiète du danger pour la cité de forages au cœur de la terre. Ses mises en garde ont peu d’écho auprès des dirigeants. La victoire des Noyausceptiques annonçe pourtant une énorme catastrophe.
Yab, un lycéen introverti et geek notoire se morfond dans son établissement scolaire n’osant aborder la belle Soléa. Celle-ci découvre une brèche qui mène au monde extérieur, toujours interdit. Yab, la suit et ensemble ils découvrent un monde préhistorique peuplé de grands mammifères mais aussi de peuplades humaines qui ne connaissent pas la civilisation. Ils retournent plusieurs fois dans une jungle finalement accueillante. Ces voyages les lient de plus en plus, jusqu’au jour où ile ne peuvent retourner dans leur cité, celle-ci s’effondrant dans un bruit cataclysmique.
Nous retrouvons au début de ce volume les deux adolescents sidérés par la fin de leur civilisation. Ils s’échappent du nuage de cendres engendrés par la fin de leur Éden pour se perdre dans une luxuriante forêt peuplée de quelques animaux dangereux. Pour se protéger, ils se construisent une cabane sur les hauteurs d’un arbre et explorent leur proche environnement.
Ils sont surpris par l’arrivée d’une grande femme bleue aux yeux jaunes qui les emmènent dans son village composé d’habitations de formes pyramidales. Elle s’appelle Isis et les présente à Osiris, son mari. Le couple de géants décide d’en faire leurs esclaves de compagnie.
Yab et Soléa découvrent les conflits d’une petite société qui vit en vase clos. Anubis, le fils de Nephtys et d’Osiris les conduit ainsi jusqu’au village de Seth, son oncle violent. Celui-ci se vengera d’Osiris mais avant ce terrible accomplissement, la communauté villageoise aura découvert les premiers hiéroglyphes, l’usage du sarcophage et le culte des morts. Les bases de la mythologie égyptienne antique sont désormais posées.
Après une relecture décalée du premier livre de la bible : la Genèse, dans le tome 1, cette fort agréable série d’aventures s’attaque avec un humour parodique, jamais pris en défaut, à la complexe mythologie de l’Égypte antique.
Tout en s’amusant à pasticher un des panthéons les plus connus au monde, Swysen construit un solide récit d’aventures aux rebondissements inattendus et aux nombreux clins d’œil et jeux de mots : au film « Avatar » avec ses géants bleus tout comme les dieux égyptiens ici, confusion entre le premier champ et le chant, ou sur la signification de : « avoir un grain ».
Bref, on s’amuse beaucoup à la lecture des aventures de Soléa et Yab.
Siteb (Jérémy Betis), affirme son trait semi-réaliste pour sa première série publiée. Les décors, que ce soient ceux de la jungle ou des constructions égyptiennes sont précis, foisonnant pour les formations végétales, avec de belles perspectives pour les monuments humains. Tous les personnages sont bien caractérisés par un graphisme expressif, classique et séduisant.
Nous sommes toujours autant séduits par une série jeunesse qui mêle agréablement les genres : humour, parfois potache, parodie des grands mythes fondateurs, éléments fantastiques intégrés à un récit d’aventure à rebondissements. Cette réinterprétation des mythes à partir de celui d’Adam et Ève peut se lire à plusieurs niveaux, un message écologique fort, critique envers une société qui court à sa perte de ne pas écouter les signaux d’alerte de la nature, est dispensé sans lourdeur tout au long des pages des deux premiers volumes d’une série appelée à se poursuivre.
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Rescapés d’Éden T2 : Ensuite… » par Siteb et Bernard Swysen
Éditions Soleil (11,50 €) – ISBN : 978-2-302-08061-4