Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Mieux qu’Œdipe, Lucie résout l’énigme du Sphinx pour sauver son père…
Dans la famille Vieillepierre, je demande la fille : Lucie. Dans cette famille d’aventuriers, elle détonne. Sa peur du noir l’empêche de vivre les mêmes odyssées que sa parentèle. Mais, l’astucieux Arthur, son père, trouve un moyen efficace de la faire voyager : il disparaît, en ne laissant que de maigres indices sur sa destination dans son bureau.
Nous avons fait connaissance avec la famille Vieillepierre par le jeune Arthur. Dans « Arthur et la corde d’or », petit garçon, il vit une grande aventure. En terre d’Islande, enfant, Arthur aime s’aventurer au cœur de la forêt afin d’en rapporter d’étranges objets magiques jusqu’au jour où il voit un horrible loup noir. Il sauve peu après son village de la terrible bête. Devenu adulte, il voyage autour du monde, découvre de nombreux secrets et réunit une fort belle collection dans son cabinet de curiosités. Il se marie avec une belle aventurière. De cette union naît la petite Lucie.
Devenu âgé et casanier, tranquillement installé dans son fauteuil près d’un grand feu de cheminée, Arthur conte ses aventures à sa fille. Lucie n’y croit pas vraiment, elle voit son père comme un vieux bonhomme mollasson, incapable d’affronter des dangers inconnus.
Pourtant, seule dans son grand lit, c’est elle qui a peur, peur du noir et des ombres effrayantes qui s’y cachent.
Quand Arthur veut lui faire vivre sa première aventure en la guidant vers les merveilles tapies au fond d’une grotte, Lucie n’ose pénétrer dans celle-ci, apeurée par les ombres menaçantes qui en obstruent l’entrée.
Arthur revient déçu de leur petite escapade.
L’ancien aventurier a gardé beaucoup de malice et, sans rien dire à sa fille, il part un beau matin en ne lui laissant qu’un message laconique. Un peu désemparée, Lucie trouve dans les vieilles affaires de son père, pas si bien cachées dans son bureau, quelques indices sur sa destination et les moyens de s’y rendre. Avec une plume magique elle s’envole vers l’Égypte sur le dos d’un puissant oiseau.
Arrivée sur les bords du Nil, elle se met en recherche du grand Sphinx car son père y est retenu prisonnier. Dans sa quête, elle recevra l’appui du dieu Râ en lutte contre Thot, dieu de la lune et de la connaissance. Il faut lire l’album pour savoir comment à la fin de son aventure, la jeune fille sera capable de surmonter ses peurs les plus secrètes, notamment sa peur du noir.
Nous avions retenu le premier album de la série « La Famille Vieillepierre » dans les 17 BD jeunesse conseillées pour Noël 2019 ou les étrennes 2020. On peut se plonger dans « Lucie et l’énigme du Sphinx » sans avoir lu « Arthur et la corde d’or ». Le héros est devenu adulte et ses aventures ne sont plus que des souvenirs qu’il essaye de faire partager à sa fille. Mais au cours de ce véritable récit d’initiation Lucie prend de l’assurance, sait dépasser ses peurs primales pour devenir à son tour une aventurière qui fera la fierté de son père.
« La Famille Vieillepierre » est la première bande dessinée de Joe Todd-Stanton, nouvel auteur à succès de l’édition jeunesse anglaise. À cause de sa dyslexie, il s’est longtemps cantonné à l’illustration. Fort heureusement pour ses jeunes lecteurs, l’auteur britannique a pris de l’assurance pour se lancer dans une carrière d’auteur complet de bande dessinée. Son trait précis, coloré et poétique, sait capter ce qui est la source des grandes peurs enfantines : les ombres noires menaçantes que l’on s’exagère et à qui l’on donne vie quand on est petits ou le côté étrange et menaçant des mystérieux dieux égyptiens à têtes d’animaux.
Nous vous conseillons la lecture de ce beau conte initiatique, effrayant, juste ce qu’il faut, et finalement bienveillant dont la lecture donnera du courage à bien des jeunes lecteurs pour affronter les monstres qui se tapissent dans les anfractuosités d’un noir profond. Nul doute que nous découvrirons dans le prochain volume de « La famille Vieillepierre », les enfants bientôt aventuriers de Lucie.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Lucie et l’énigme du Sphinx » par Joe Todd-Stanton
Éditions Sarbacane (13,50 €) – ISBN : 978-2-37731-389-1