Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Un voyage de luxe pour « Aria »…
Si vous avez apprécié l’univers aquatique de la série « Amanchu » de Kozue Amano, vous ne pourrez que plonger dans la réédition d’« Aria the Masterpiece » : aventure au fil de l’eau due à la même autrice. Les amoureux de Venise et de ses canaux retrouveront le charme et la tranquillité, toute relative, de cette ville d’Italie transposée sur Mars : une odyssée spatiale comme l’on a rarement l’occasion d’en voir.
L’histoire nous propulse immédiatement à travers l’espace et le temps, puisque l’action se déroule sur Mars au XXIVe siècle. Néanmoins, Mars n’est plus Mars. Cette planète, autrefois hostile, a été terraformée 150 ans avant le début de cette histoire. La fonte des glaces ne s’étant pas exactement passée comme prévu, l’eau a quasiment envahi toute la surface de cette planète logiquement rebaptisée Aqua. Et c’est dans une copie de Venise, la cité sur l’eau bien connue des amoureux de l’Italie, que débarque Akari : une terrienne venue apprendre le métier d’ondine au sein de la société Aria. Les ondines sont ces personnes qui conduisent les passants sur les canaux, à l’aide des fameuses gondoles. Akari, qui va prendre sa formation très au sérieux, va donc faire naviguer le lecteur sur les eaux calmes de Neo-Venise.
Si cette édition est la version masterpiece, c’est qu’une précédente édition « classique » était éditée dès 2007 par les éditions Kami, aujourd’hui disparues. Seuls les sept premiers volumes furent disponibles, le huitième, longtemps annoncé, ne vit jamais le jour à cause de la liquidation de l’éditeur au début de 2010. Les fans, frustrés, vont ainsi pouvoir profiter de la seconde moitié de l’histoire. Les éditions Ki-oon étant une maison respectueuse et en bonne santé, il est peu probable que ce projet échoue de nouveau. Quand, en plus, c’est une édition luxueuse en grand format avec des pages couleurs inédites et une excellente impression des noirs et blancs, on se dit que l’attente valait le coup.
Au japon, la série a été un succès, à la suite de la sortie de la version animée qui reprend toute la saga sur trois saisons. Sont également disponibles un OVA et un épisode télé exceptionnel qui a été diffusé en 2015 pour marquer les dix ans de popularité du titre. Prépubliée entre 2002 et 2008 dans le magazine Comic Blade de Mag Garden, la série « Aqua » est disponible dans 12 volumes reliés ou sept volumes de luxe reprenant également les deux tomes du spin-off « Aqua ». C’est cette dernière version que Ki-oon traduit aujourd’hui en France.
Si « Aria The Masterpiece » est une œuvre de science-fiction, c’est avant toute une histoire contemplative où le lecteur navigue au côté de la jeune Akari. Dans ce premier tome, nous la voyons faire ses premiers pas au sein de l’agence Aria en tant qu’apprentie Ondine. Son patron n’est autre qu’un gros chat bien étrange et sa formatrice est une jeune femme qui va lui apprendre tous les secrets de cette ville rappelant Venise. Kozue Amano n’a pas eu cherché à créer une ville futuriste et l’on reconnaît bien l’architecture typique de la cité italienne. Néanmoins, certains détails pimentent l’histoire, tels des lieux cachés ou une île en apesanteur qui nous rappellent que nous sommes bien dans une œuvre de science-fiction.
Comme « Aria : the Masterpiece » est avant tout un manga esthétique et calme, Kozue Amano a pris soin de travailler les décors et les costumes pour que son lectorat se sente dépaysé. Cette première œuvre, montre déjà une grande maîtrise à la fois du trait, mais aussi de la narration tel que nous pouvons les retrouvés dans « Amanchu ».
Cette nouvelle édition française par Ki-oon est strictement identique à la réédition japonaise en sept volumes. Tout est là , les pages en couleurs, même celle au centre de l’album, le calque d’introduction, la dorure à chaud sur la jaquette, etc. C’est surtout une nouvelle traduction qui nous est proposée : sans fautes ou contresens, cette fois-ci. Le sens de lecture japonais est bien évidemment respecté et les onomatopées sont conservées en japonais pour ne pas dénaturer le graphisme des planches. Elles sont juste sous-titrées dans le même style pour garder une fluidité de lecture. Chose étrange, deux chapitres présents dans la précédente édition française sont ici absents. Ils le sont également de l’édition japonaise, ce n’est donc pas un oubli français. Anecdotiques, ils n’apportaient pas grand-chose à l’histoire et Ki-oon ne fait que respecter les desiderata des Japonais.
Les fans de Kozue Amano ne peuvent que se jeter sur cette œuvre de jeunesse onirique. Si le côté science-fiction est parfois un peu loufoque, avec son île suspendue et ses glaciers qui fondent au point de recouvrir la planète, on les oublie bien vite pour se laisser porter par ce calme récit. De découverte en découverte, le lecteur va suivre l’héroïne en toute simplicité : un titre qu’il est agréable de revoir en France, surtout dans une version aussi belle.
Gwenaël JACQUET
« Aria : the Masterpiece » T1 par Kozue Amano
Édition Ki-oon (15 €) — ISBN  : 979 10 327 0575 9