Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Le n° 112 de Fumetto 112 invite Paul (Paolo Campani, dit)…
Après avoir consacré plusieurs dossiers aux auteurs américains de l’âge d’or, l’excellente revue Fumetto (bande dessinée, en français) revient aux créateurs italiens et plus particulièrement à Paul, pseudonyme de Paolo Campani : créateur de Misterix, l’un des premiers super-héros européens.
Retour en force de la bande dessinée transalpine avec cette cent douzième livraison de l’un des meilleurs magazines consacrés à l’étude de la bande dessinée : Fumetto.
Claudio Dell’Orso et Luigi Marciano proposent des articles passionnants, respectivement sur l’utilisation du gris, puis sur le traitement de la photographie dans l’œuvre du grand Dino Battaglia.
Gianni Brunoro évoque la carrière trop brève dans le monde des fumetti de Giorgio Bellavitis, compagnon de route d’Hugo Pratt qui a signé un essai pour « Junglemen ». Il gravite dans l’univers de la bande dessinée de 1946 à 1963, avant de devenir un architecte de renom.
Mauro Galfrè revient sur la riche carrière de Luigi Corteggi, alias Cortez, prestigieux illustrateur de couvertures, profitant de l’exposition qui lui est consacrée à Monferrato.
Enfin, petit détour aux États-Unis avec un article étonnant de Richard Felton Outcault publié en 1898 dans le New York World, où le dessinateur américain évoque la naissance de son « Yellow Kid ». Sans oublier les échos, les actus et les nombreuses critiques habituelles.
Le copieux dossier de 25 pages est signé Luigi Marciano, Bruno Caporlingua, Alberto Becattini, Giulio C. Cuccolini et Gianni Brunoro.
Il est consacré à un dessinateur peu connu chez nous qui, lui aussi, a appartenu au fameux Groupe de Venise (avec, entre autres, Hugo Pratt), mais qui a prématurément abandonné la BD : Paolo Campani, alias Paul (pour faire américain comme c’était la mode à l’époque).
Né à Modène, en 1923, ce grand admirateur d’Alex Raymond, Milton Caniff, Ray Moore, Harold Foster, Kurt Caesar ou Walter Molino, publie sa première bande dessinée (« L’Occhio di Shiva », écrite par Luigi Motta) à l’âge de 15 ans, en janvier 1939, dans l’hebdomadaire Intrepido : d’autres histoires suivront dans les journaux des éditions Universo, à partir de 1943 (dont un « Fantomas » dans Il Gazzettino, en 1947 et 1948).
Il collabore à la mise en images du « Pluto » de Gian Luigi Bonelli, puis entre au Groupe de Venise aux côtés d’Hugo Pratt, Mario Faustinelli, Alberto Ongaro, Giorgio Bellavitis… signant deux histoires (« Sangue a Cuba » et « L’Ultimo dei cinque ») dans les pages du mythique Asso di Picche.
Il travaille aussi sur la série des « I Grandei Campioni dello sport » pour l’éditeur Torelli. C’est la création de « Misterix » en 1946 avec le concours de son ami d’enfance Max Massimo Garnier, pour les éditions Subalpino-Alpe de Giuseppe Caregaro, qui marquera à jamais l’esprit des jeunes lecteurs italiens.
Sous la combinaison rouge de Misterix (en France Mister X) se dissimule le journaliste John Smith qui a découvert par hasard une formule lui permettant de capter l’énergie nucléaire. Invulnérable, il vole dans l’espace, arrête ses ennemis avec un rayon, combat ses nombreux adversaires, dont le redoutable Takos et sa bande de gangsters.
Avec le recul, on constate que Misterix et Iron Man ont bien des points communs.
Publié dans la collection de récits complets Le Piu Belle Aventure, Misterix est le héros de 81 épisodes complets proposés jusqu’en 1948.
La même collection publiera ensuite « Gey Carioca » : une autre série signée Paul, mettant en scène une jeune femme sexy, héroïne de seulement 12 épisodes aux intrigues glamour.
En 1948, s’il ne quitte pas l’Italie et sa chère ville de Modane pour l’Argentine comme plusieurs de ses amis du Groupe de Venise, Campani démarre une longue collaboration avec l’éditeur Abril où il poursuit les exploits de Misterix dans le magazine Salgari, puis dès 1950 dans un fascicule portant le nom de son héros.
Il en assure la réalisation jusqu’en 1955, parfois secondé pour l’encrage par Angelo Benevelli et Secondo Bignardi.
Il aura réalisé en Argentine 38 histoires de la série « Misterix », pour un total de 2 113 pages, avant de confier le destin du personnage à d’autres dessinateurs, dont Eugenio Juan Zoppi, Jose Horvarth, Angel Fernandez.
La série écrite par Alberto Ongaro (et d’autres scénaristes anonymes) prend fin en 1965.
De nouveaux épisodes de « Gey Caioca » sont eux aussi publiés en Argentine sous son crayon dans Tita Dinamita de 1950 à 1953, pour un total de 1 215 pages, puis la série est poursuivie par Ivo Pavone jusqu’en 1956.
L’autre grande série argentine de Paul publiée dans Misterix est « Bull Rockett » : navigant entre fantastique et aventure classique, elle est écrite par le grand scénariste Héctor Germán Oesterheld.
Le héros aux traits inspirés par Burt Lancaster est campé par Campani jusqu’en 1956 (1 304 pages), et la série se poursuivra jusqu’en 1964, poursuivie par Francisco Solano Lopez, Juan Lucas Castro, Horacio Merel et Julio Schiaffino.
Paul Campani est aussi le créateur de « Lord Comando », paru brièvement en 1952 dans la revue Cinemisterio.
En France, « Mistérix », baptisé « Mister X », est publié dans les fascicules hebdomadaires de huit pages de la première série de la Collection E.L.A.N. des éditions du même nom, en 1947 et 1948.
Notons qu’une seconde série de fascicules (commencée l’année suivante) propose de nouvelles aventures de Mister X dessinées par le français André Bohan (scénarios de André L. Roger), jusqu’à leur conclusion, en 1951, dans le magazine alors baptisé Mister X.
L’autre grande série de Paul Campani, « Bull Rockett », est traduite en 1953 et 1954 par les éditions lyonnaises Lug dans le format de poche Plutos (n° 39 à 52), puis dans Pampa jusqu’en 1957 où elle demeure inachevée.
C’est au cours de sa collaboration au fameux dessin animé « La Rosa di Bagdad » que Paul Campani découvre l’univers du dessin animé.
Dix ans plus tard, il fonde son propre studio de production, Paul Film, avec la collaboration de son ami de toujours : Giorgio (Max) Massimino Garnier. Leur premier succès, « Angelino », voit le jour en 1958 et sera suivi par sept autres films avec ce personnage jusqu’en 1964.
Bien d’autres créations, surtout destinées à la publicité et à la télévision, suivront au fil des années : « Toto e Tata », « Telequiz », « Sembra Facile… », « Il professor Poff », « Pupa e Bob Bob », « Favoloso Orient », « Ciuffo e Cioffo », « Tuttostanco »…
Des adaptations en bandes dessinées sont réalisées par des dessinateurs bien connus, comme Giancarlo Tonna, Leone Cimpellin, Romano Scarpa, Luciano Bottaro… pour la presse (Girandola TV), mais aussi pour l’édition et les jouets. Les deux amis étendent leurs activités à la publicité, au multimédia… : leur société devenant l’une des principales maisons de production d’animation italienne.
Paolo (Paul) Campani est décédé en mai 1991.
Fumetto n° 112, 68 pages couleurs format 24 x 34 cm, abonnement annuel France : 110 euros pour quatre numéros avec deux ouvrages inédits (« Romanzo inedito del fumetto comico italiano », un pavé de 256 pages de Luca Boschi, et « Havank », 208 pages de BD dues à Daan Jippes) ; contacts : www.amicidelfumetto.it, info@amicidelfumetto.it.
Â
Ping : Paul Campani su Fumetto – afnewsinfo – riserva 2