Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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Loin, géographiquement, de sa série nippone, « Okko » (10 tomes chez Delcourt entre 2005 et 2015) ou de sa série viking (les scénarios des 6 tomes d’« Aslak » dessinés par Fred Weytens, chez Delcourt entre 2012 et 2019), Hub décide d’aller voir ailleurs, sur un autre continent, au Mexique et au temps des Aztèques. La bande dessinée a déjà beaucoup fréquenté ces territoires et leurs peuples légendaires, mais Hub choisit d’y inscrire un récit policier, entendons par là un récit basé sur des meurtres et deux enquêtes parallèles. Et, tant qu’à faire, pour une trilogie et 184 pages par album. Le projet est ambitieux, mais la réalisation incontestablement à la hauteur.
1454. À Tenochtitlan, cité lacustre à l’origine de Mexico, on a un problème. Les Aztèques qui pourtant n’ont pas froid aux yeux pour offrir à leurs dieux les cœurs des jeunes gens sont outrés par des meurtres de jeunes filles dont on retrouve les corps momifiés un peu partout dans l’Empire. Et ces corps prouvent qu’il y a eu sur ces femmes des violences inouïes. Les autorités s’en inquiètent. Il faut trouver le coupable avant que le peuple ne l’apprenne et s’en émeuve. Ils décident de mettre sur le coup un haut fonctionnaire manchot nommé Serpent, tandis que les prêtres désignent Œil-Lance dans le même but. Serpent et Lance se connaissent bien, mais se détestent.
Hub veut certes construire une enquête policière, mais il a surtout décidé de prendre son temps, de construire un univers, de multiplier les personnages et leurs relations. De chapitre en chapitre, il excelle ainsi à nous promener, à nous égarer même, le temps pour nous d’observer, de découvrir ces habitations particulières, ces décors avec juste un regret que des couleurs de Li un peu trop sombres (à l’impression, en tout cas) nous privent de bien des détails dessinés pourtant avec soin par l’auteur. Car la réalisation graphique est virtuose. De gros plans impressionnants à des panoramiques spectaculaires, Hub aidé par Emmanuel Michalak au storyboard, ne fait pas dans la demi-mesure.
Ses personnages sont également très expressifs et dynamiques, d’autant plus qu’ils sont nombreux et que le challenge était, du coup, de les rendre très identifiables. Quand on sait qu’il aura trois tomes et trois périodes différentes, on devine où est la prouesse. Les visages sont caricaturaux, juste ce qu’il faut, et se détachent sur des environnements parfaitement détaillés : des appartements où l’œil peut s’attarder sur les poteries ou les peintures murales ; des paysages champêtres ou désertiques ; des temples grandioses ou des quartiers lacustres… tout invite l’œil à voyager ! La lecture suppose d’ailleurs beaucoup d’attention, l’auteur alternant les séquences passées et présentes, mais également les scènes suivant tel ou tel personnage, sans oublier les relations entre les peuplades, le tout fortement documenté, ce qui s’observe visuellement par le travail de reconstitution.
Cette nouvelle épopée – Hub s’en explique à la fin de l’album – est née d’une fascination d’enfant pour ce peuple, cruel pourtant, et qui, faute de police, aurait été bien désemparé d’avoir à enquêter. C’est de ce paradoxe qu’Hub est parti pour monter son thriller aztèque, qui plus est en le détachant de la colonisation espagnole puisqu’il situe son récit avant leur arrivée. À suivre donc, puisqu’il s’agit d’une trilogie.
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Le Serpent et la lance T1 : Ombre-Montagne » par Hub
Éditions Delcourt (24, 95 €) – ISBN : 978-2-7560-9903-3