Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Heureux, qui comme Télémaque fait un beau voyage, …
Les légendes de la mythologie grecque laissent dans l’ombre de nombreux seconds rôles. Ainsi, si tout le monde connait Ulysse, le héros rusé de l’Odyssée, qui se soucie de son fils Télémaque resté sur l’île d’Ithaque. Une série jeunesse comble cette lacune. Le jeune héros vit des aventures mouvementées et, si elles amusent le lecteur elles respectent en de nombreux points les récits les plus anciens de la mythologie. Cette odyssée décalée est une vraie réussite de la BD jeunesse d’aujourd’hui.
D’après Homère, c’est grâce à l’idée d’Ulysse de fabriquer un gigantesque cheval en bois que les Achéens ont pris la ville de Troie après 10 ans de siège. A la fin de cette guerre menée loin de chez lui, Ulysse ne songe qu’à une chose, revenir dans son royaume d’Ithaque, auprès de sa femme Pénélope et de son fils Télémaque. C’est en aveuglant le cyclope Polyphème qu’il provoque le courroux de Poséidon, le dieu de la mer. Il est alors condamné à errer sur les mers pendant encore 10 ans.
Télémaque, son jeune fils, qu’il a à peine connu, est désormais un adolescent de 14 ans. Naïf et maladroit, il espère toujours le retour d’un père idéalisé que beaucoup croient mort sur le chemin du retour. Sans écouter les conseils de son précepteur et de sa mère, il quitte Ithaque sur un frêle esquif pour rejoindre Ulysse. C’est là que ses aventures commencent.
Toute la Grèce vit sous la menace d’une invasion des armées de Néoptolème, le fils d’Achille. C’est pour échapper aux sbires de ce roi violent bien mystérieux que Télémaque quitte la douce ville de Pylos accompagnée par la fille du roi Nestor : la futée Polycaste. C’est le début de leur odyssée, car ils suivent les traces marines d’Ulysse. Ils sont bien vite rejoints par Zéphyr, un jeune vent facétieux et Personne, un petit cyclope bienveillant, intellectuel et curieux. C’est ce curieux aéropage qui débarque sur l’île des Lestrygons.
C’est sur le rivage de cette île peu accueillante que commence l’intrigue du troisième volume de la série. Euryloque, un ancien marin d’Ulysse, prévient la petite troupe que, du groupe qui est parti explorer ce territoire inconnu, n’est revenu qu’Ulysse.
Ils décident pourtant de s’enfoncer au cœur de cet espace peu accueillant et très rapidement sont faits prisonniers par les Lestrygons. Ces petits trolls bleus, cruels et anthropophages, sont heureusement pour nos jeunes héros particulièrement stupides. Ils parviennent ainsi à recouvrer leur liberté en jouant sur la ressemblance entre Télémaque et le précédent roi des Lestrygons, le roi des Fleurs qui n’est autre qu’Ulysse !
Ils découvrent aussi un prisonnier malade et taiseux. Il s’agit de Néoptolème, le vrai ! Mais alors qui a pris sa place à la tête de la terrible armée des Myrmidons ?
Le troisième volume de la série « Télémaque » est plus complexe que les deux précédents. La contre-odyssée adolescente de Télémaque se poursuit jusqu’à son arrivée à Sparte en toute fin d’album. C’est là que les deux intrigues parallèles se rejoignent : la recherche d’Ulysse par Télémaque et les conflits plus ou moins larvés dans la Péloponnèse provoqués par un Néoptolème aux buts encore inavoués. Kid Toussaint mène la barque de Télémaque sans temps morts ; aventures, scènes d’actions spectaculaires, émotions et surprises en tout genres sont au riche menu, jamais indigeste, de la série.
Dans notre article sur le premier volume nous vantions ainsi les mérites des auteurs, Kid Toussaint pour le scénario, Kenny Ruiz pour le dessin mais aussi Noiry pour les couleurs :
« Kid Toussaint a l’excellente idée de revisiter « L’Odyssée » d’Homère à travers les yeux du fils d’Ulysse, l’encore maladroit adolescent Télémaque. Le dessin dynamique de Kenny Ruiz, inspiré à la fois par le manga et le meilleur de l’école franco-belge, donne une nouvelle jeunesse aux héros des plus vieux mythes de l’antiquité. Les couleurs chaudes de Noiry participent à la réussite de cette série, fraiche et amusante, aux nombreux rebondissements, souvent imprévus. Le scénariste s’amuse à bon escient d’un riche arrière-fond mythologique pour créer une abondante galerie de personnages : du petit cyclope costaud au savoir uniquement livresque à la jeune et aventureuse Polycaste en passant par une Pénélope qui trouve quand même l’absence de son guerrier de mari bien longue, et par le fils d’Achille, véritable psychopathe du Péloponnèse. Son dessinateur espagnol surprend par son inventivité graphique »
On peut encore ajouter à ce concert de louanges, un humour référencé qui fait mouche, par exemple quand le naïf cyclope Personne subit sur l’agora les foudres racistes des spartiates à cause de sa différence : « Quand il y en a un, ça va… c’est quand il y en a plusieurs … », « De toute façon, on ne peut pas accepter tous les cyclopes du monde » ou « Après, il fera venir sa famille et nous imposera à tous de n’avoir qu’un œil ».
La suite s’annonce mouvementée pour Télémaque et ses amis dans le quatrième volume d’une série qui donne intelligemment, – sans anachronisme et avec de nombreuses références justifiées au mythes grecs -, une nouvelle jeunesse au premier roman de l’Occident. Sa quête filiale n’est pas achevée, mais où donc est Ulysse ? Reverra-t-il de sa petite Ithaque fumer la cheminée et en quelle saison ?
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Télémaque T3 : La Cité des hommes » par Kenny Ruiz et Kid ToussaintÂ
Éditions Dupuis (10,95 €) – ISBN : 979-1-0347-3933-2
Belle réussite que cette série.