Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Mata Hari » : Gil & Paturaud sont de retour
La publication en 2013 aux éditions Daniel Maghen de « Victor Hugo, Aux frontières de l’exil », un pavé de plus de 90 pages évoquant le quotidien du romancier à Guernesey, avait permis de découvrir le couple Esther Gil et Laurent Paturaud. Il leur aura fallu six ans pour nous revenir avec ce nouvel ouvrage tout aussi passionnant, consacré à l’énigmatique Mata Hari.
Née aux Pays-Bas le 7 août 1876, Margaretha Geertruida Zelle séjourne aux Indes néerlandaises à l’est de l’île de Java dès 1897. Mariée au capitaine Rudolf MacLéod son aîné de 19 ans, un homme brutal et alcoolique, elle donne naissance à un garçon qui succombe à un accès de fièvre et à une fille qu’elle lui abandonne après son divorce afin de revenir seule en Europe en 1902. Trois ans plus tard, grâce au fortuné Émile Guimet, elle met au point un numéro de danseuse orientale à la fois exotique et érotique qui lui permet de conquérir la capitale. Mata Hari, Soleil levant en malais, débute une vie mondaine mouvementée, fréquente le Tout-Paris de la Belle Époque, connaît de nombreuses aventures amoureuses. A Berlin, en 1915, elle est contactée par le consul d’Allemagne qui lui demande d’espionner la France, ce qu’elle accepte sous la contrainte. Amoureuse du jeune capitaine russe Vadim Massloff, piégée par le contre-espionnage français, elle est arrêtée le 13 février 1917. Condamnée à mort, elle est fusillée au polygone de tir de Vincennes le 15 octobre 1917. Son refus de porter un bandeau face au peloton d’exécution contribuera à façonner la légende de cette femme libre au comportement audacieux pour l’époque.
Tout au long d’un scénario passionnant et documenté, Esther Gil relate la vie passionnée de Margaretha Zelle laissant transparaître une réelle admiration pour son énigmatique héroïne. Née en 1967, autrice de « Jules Vernes et l’astrolabe d’Uranie » aux éditions Ankama (dessin de Carlos Puertas) elle a conçu un récit sur mesure pour son mari Laurent Paturaud, passionné d’histoire et de peinture. Né en 1969, après une formation de graphiste publicitaire, il aborde la bande dessinée à partir de 2001 et publie la trilogie « Les Passants du Clair de Lune » chez Glénat, puis « Succube » chez Soleil deux récits écrits par Thomas Mosdi. C’est avec le remarquable « Victor Hugo, aux frontières de l’exil » paru en 2013 qu’il connaît un premier succès mérité aux côtés de son épouse Esthen Gil.
Bien qu’entièrement réaliser à la palette graphique (surprenant lorsque l’on sait que son éditeur possède une galerie fameuse pour ses ventes de planches originales) ses pages aux couleurs soignées proposent des images sublimes aux décors impressionnants. De Java à Paris en passant par Berlin, il reproduit méticuleusement de son trait réaliste et précis le cadre historique de ce début de vingtième siècle. Et que son héroïne est belle !
Henri FILIPPINI
« Mata Hari » par Laurent Paturaud et Esther Gil
Éditions Daniel Maghen (16 €) – ISBN : 978 235674 075 5