On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...Quand je m’étale, hurlant sur mon passé et mes souvenirs… Je suis Dionnet !
Jean-Pierre Dionnet est un passeur d’univers : un vrai ! Cofondateur et rédacteur en chef de Métal hurlant, animateur de Sex Machine dans le cadre des Enfants du rock ou de Cinéma de quartier sur Canal+, chroniqueur éclectique à la culture encyclopédique, producteur de films, scénariste de bandes dessinées et infatigable découvreur de talents, il est lié à bon nombre de productions cultes, depuis les années 1970… Il nous livre, enfin, ses souvenirs dans « Mes moires : un pont sur les étoiles », chez Hors-Collection : un véritable plaidoyer en faveur des arts longtemps qualifiés de mineurs, dont la bande dessinée !
On imagine facilement le plaisir (mais aussi la difficulté) qu’a eu son confident, le journaliste Christophe Quillien, à recueillir et à mettre en forme, dans le bon ordre chronologique, cette multitude d’anecdotes savoureuses.
D’autant plus que, comme le dit Dionnet lui-même : « Alors voilà, je mets à bas certains mensonges, mais est-ce la vérité ? »
Quoi qu’il en soit, on savoure avec délectation chaque page de ses « Moires » : de son enfance où l’ordinateur, internet et le téléphone portable n’existaient pas et où la télévision balbutiait, à sa volonté intacte à repartir vers d’autres aventures, malgré les quelques déconvenues, erreurs de jeunesse ou de star (mais qui n’en fait pas ?), et la nostalgie d’un passé qui n’est plus.
En effet, et ce n’est pas nouveau, Dionnet a toujours la capacité à trouver deux idées (minimum) à la minute !
Nous avons donc droit à un défilé de portraits et de citations d’œuvres qui, une fois de plus, nous ouvrent l’esprit et parlent à notre sensibilité… Dionnet évoque des figures érudites et incontournables de l’édition, de la science-fiction ou de la bande dessinée qui l’ont influencé ou soutenu, lesquelles ont également, d’une façon ou d’une autre, marqué leur génération et notre imaginaire.
Que ce soient les libraires Jean Boullet (Le Kiosque) ou Robert Roquemartine (Futuropolis), les écrivains, directeurs de collection ou anthologistes Jacques Sadoul (J’ai lu), Jacques Goimard (Pocket), Jacques Bergier (« Le Matin des magiciens »), Harlan Ellison…, et, bien entendu, tous les gens de la BD, dessinateurs ou scénaristes, importants de l’époque. Francophones comme Philippe Druillet, Nikita Mandryka, Moebius (Jean Giraud), René Goscinny, Claude Moliterni (qui fut aussi, rappelons-le, le cocréateur de BDzoom.com), Paul Gillon, Jacques Tardi, Enki Bilal, Frank Margerin, Tramber et Jano, Serge Clerc, Yves Chaland…, Américains tels Milton Caniff, Will Eisner, Stan Lee, Burne Hogarth, Jack Kirby, Steve Ditko, Carmine Infantino, Joe Kubert, Neal Adams, Richard Coben… ou auteurs internationaux à l’instar d’Hugo Pratt et d’Alejandro Jodorowsky.
Mais Dionnet, pourtant pudique, nous parle aussi de sa famille, de Napoléon (son ancêtre, si, si !), de son père militaire (ce héros !), de ses femmes, de sa progéniture… dans cet ouvrage aussi dense (plus de 400 pages !) que pétillant : un moment extraordinaire de lecture et de défense de la contre-culture !
Gilles RATIER
« Mes moires : un pont sur les étoiles » par Jean-Pierre Dionnet
Éditions Hors-Collection (19 €) – ISBN : 978-2-258-09854-1
Dionnet propose un véritable plaidoyer en faveur des arts longtemps (!) qualifiés de mineurs, dont la bande dessinée ?
Ben en 2019 y’a encore du boulot si on prépare les concours de la haute fonction publique en France en suivant certains conseils : https://pbs.twimg.com/media/ED33yBnW4AAdO-A.jpg
Rajoutons que ces vieilles réminiscences, très aristocratiques, du culte des hiérarchies totalement artificielles qui visent à se positionner par rapport à celui qu’on estime inférieur – que par ailleurs on nomme très justement la violence symbolique – sont très présentes de la même manière au sein du monde ,version observateurs surtout , de la BD .
A coup de fausses appellations, comparaisons indues ,entre-soi et son pendant le suivisme, impunité critique , réécriture des faits et palmarès iniques !
C’est ainsi que sans contradictions on formate les esprits dans un seul sens.Le rare contradicteur est décrédibilisé par le soupçon, surtout pas allusif ,d’être ignorant, agressif (face à la violence symbolique? ) inactif et bien entendu réactionnaire.
Bien entendu.
Dans le dernier paragraphe, il me semble que vous vous contredisez ou alors je n’ai pas bien compris votre propos.
Dites-moi si je me trompe.
Vous semblez dire que les esprits sont formatés pour assimiler la BD (et autres) à un genre méprisable. Et, selon vous, celui qui s’oppose à cette vision des choses est perçu (à la toute fin de votre deuxième paragraphe) comme un réactionnaire. Mais n’est-ce pas plutôt l’inverse ? C’est-à-dire que celui qui considère qu’une hiérarchie existe est le réactionnaire ?
Pour ma part, à titre personnel, je ne considère pas que tout se vaut. Il y une tendance qui se développe en sens contraire, en grande partie en raison du travail de légitimation exercé plus ou moins volontairement par l’Université et une frange d’intellectuels. Ennoblir la sous-culture la plus commerciale (par exemple les séries TV ou les fumetti) en les transformant en objet d’étude est un procédé qui tend à notre époque à se systématiser avec tout et n’importe quoi. Les auteurs d’études savantes peuvent ainsi se faire un peu de pub à bon compte.
On arrive alors à faire passer les marchandises culturelles les plus formatés pour des œuvres d’art et tout finit par devenir équivalent : Flaubert et Arleston, Rembrandt et Francq. « Si Michel-Ange était vivant, il ferait de la BD » a ainsi pu déclarer l’organisateur d’une expo des BD du Louvre. Eh bien, non. L’art de Michel Ange se passe des bulles et des cases.
Quoiqu’il en soit la BD est pratiquement absente des médias mainstream – et de plus traitée de manière partielle et partiale (le fameux primat donné aux « BD graphiques »). C’est un fait social qu’il convient d’analyser comme tel. La BD reste donc une contre-culture; de plus, de nos jours, contre-culture n’est pas synonyme de « populaire » (contrairement à ce qui se passait à l’époque d’ »actuel » ou de « métal hurlant » et consorts), mais signifie simplement : « domaine non traité par les médias mainstream »; un exemple de contre-culture non populaire : la musique savante (la « musique classique »).
Mon propos est que celui qui s ‘oppose,contredit (même de manière argumentée ),nuance, les hiérarchies imposées par la pensée dominante et ses relais d’opinion ( les formateurs d’esprit sensés les ouvrir ,les élargir, mais qui en fait par un seul discours , une seule vision,un seul type de palmarès les formatent .Principalement en convainquant ces esprits de la légitimité incontestable de cette hiérarchie )est systématiquement décrédibilisé par le soupçon de réaction, inculture ,esprit étriqué,immobilisme….. Pour le renvoyer à sa condition « d’inférieur « .Par rapport à la minorité agissante qui elle de fait maîtrise les règles du jeu,et en possède les clefs. Jalousement sans partage.
Mais le sujet est vaste.
Les mots que vous employez,vos arguments laissent penser que vous êtes totalement « imprégné » par par ce type de discours , qui est avant tout un des mécanismes basique de domination utilisé pour légitimer les hiérarchies. …sociales.
Vaste sujet on l’a dit.
Vos comparaisons d’artistes n’ont pas lieu d’être puisque ces derniers n’ont absolument pas le même champs de création, avec ses règles propres,finalement assez strictes. Peut-être que Michelangelo Buonaroti génie du dessin et sans doute encore plus, aurait été une bille absolue en art séquentiel (La BD) qui dans l’absolu n’est pas du dessin pur mais du code signifiant,une écriture .Tandis qu’Arleston dans le domaine qui est le sien ( la BD d’humour) est peut- être aussi grand que Flaubert dans le sien ,domaine qui n’a rien à voir.
Et qui sait ,pourquoi pas, attention blasphème (!) peut-être Arleston ,chacun dans son art de prédilection lui est-il supérieur. Pourquoi pas.
Mais cette seule idée va faire couiner pas mal de monde…..formaté à cette si prégnante culture de la hiérarchie.
Vaste sujet toujours.