Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...René et Anne Goscinny, héros d’une chaleureuse biographie en BD !
Après Kiki de Montparnasse, Olympe de Gouges, Benoîte Groult et Joséphine Baker, la dessinatrice Catel s’est attaquée à l’étonnante vie de la famille des Goscinny — juifs ashkénazes venus de Pologne et d’Ukraine ayant émigré en Argentine pour retourner en Europe après un séjour aux États-Unis —, afin de nous concocter les parcours hors-norme du cocréateur d’Astérix ou du magazine Pilote et de sa romancière de fille : un travail exemplaire qui résulte sur un récit vraiment touchant, de plus de 300 pages.
Au commencement, Anne Goscinny et Catel se rencontrent et elles vont se lier d’amitié… Un peu plus tard, l’illustratrice strasbourgeoise illustrera, avec son talent habituel, les amusantes péripéties d’une collégienne loufoque dans « Le Monde de Lucrèce » : une sorte de grande sœur du Petit Nicolas qu’écrit, sous forme d’ouvrages pour jeunes ados, la célèbre autrice du « Bruit des clefs » et fille de René.
Mais avant cela, Anne demande à Catel de réaliser une biographie sur son père… Or, même si cette dernière adore l’écriture de René Goscinny, elle refuse, prétextant travailler désormais, exclusivement, sur des portraits de femmes. (1) Compréhensive, Anne lui raconte pourtant son passé, avec sa propre sensibilité et son humour bien particulier : comment elle a perdu son père à neuf ans, puis sa mère quelques années après, se retrouvant, seule, pour tenir à bout de bras un très lourd héritage… C’est alors que Catel, revenant quelque peu sur son « non » qui semblait pourtant catégorique, a la très bonne idée de raconter le roman des Goscinny, mais à travers les yeux d’Anne…La dessinatrice commence d’abord à se documenter aux meilleures sources et Anne lui remet toutes les interviews de son père en sa possession, puis recadrera le récit quand besoin s’en fera sentir : interventions souvent reconstituées, d’ailleurs, dans cette formidable biographie en images.Les étonnantes saynètes mettant en exergue Anne Goscinny, comme celle où elle consulte et menace le médecin responsable de la mort de son père, se mêlent habilement à la vie incroyable de René, ponctuée par des reproductions des dessins de l’artiste (eh oui !, au début, Goscinny est un dessinateur !!!), jusqu’à la création d’Astérix et de Pilote (2) : la pauvreté à New York, les promesses de Bruxelles, les galères et les prémices du succès à Paris… Tous ces moments de labeur intense en journée compensés par des défoulements dans les cabarets nocturnes sont racontés, avec autant de drôlerie que d’émotion, par la plume forte et alerte de Catel, une maîtresse en narration, dans ce qui est, certainement, LE roman graphique de la rentrée.
 (1)  Sur Catel, voir, parmi nos récentes chroniques : « La Princesse de Clèves », entre cÅ“ur et devoir amoureux…, Les femmes dans la bande dessinée européenne francophone…, « Joséphine Baker » par Catel et José-Louis Bocquet, « Adieu Kharkov » par Catel, Claire Bouilhac et Mylène Demongeot, « Ainsi soit Benoîte Groult » par Catel, « Olympe de Gouges » par Catel et José-Louis Bocquet…
 (2)  Un deuxième tome, titré « L’Héritage d’un Gaulois » est annoncé, mais, tout en poursuivant la série « Le Monde de Lucrèce » avec Anne Goscinny, Catel travaille aussi, parallèlement, avec son compagnon José Louis Bocquet, sur un nouveau biopic féminin. Il sera consacré à Alice Guy : la première réalisatrice de l’histoire du cinéma.
 « Le Roman des Goscinny : naissance d’un Gaulois » par Catel
Éditions Grasset (24 €) — ISBN : 978-2-246-86100-3
Livre magnifique que j’ai pu lire en avant-première! Avec de très nombreuses reprises de documents rares (dessins, etc, malheureusement parfois peu lisibles (le Capitaine Bibobu, par exemple. C’est trop petit!)
Il y a quand même une coquille gênante page 263. Des rails sur la prairie n’a pas débuté au Spirou 206, Madame Catel, mais au 906! A rectifier pour les rééditions ou traductions en langues étrangères, je vous prie!
Même wiki l’écrit « L’histoire est parue dans le journal Spirou, du no 906 (26 août 1955) au no 929 (2 février 1956). »