Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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On sait ce que l’esclavage a offert de main d’œuvre à la production et au commerce du sucre, mais on oublie qu’en corollaire, il a permis le développement des distilleries des Antilles françaises. Le rhum doit beaucoup à la traite négrière, mais pas seulement : par manque de main d’œuvre, fin XVIIème siècle, on fait appel à des blancs pour aller travailler là -bas. Leur sort ne sera gère plus enviable…
Jean Rouen est ainsi un jeune maître verrier qui, pour trouver de l’argent pour faire sortir son père de prison, accepte d’aller au-delà des mers. Pour rejoindre la Martinique, il prend le bateau à La Rochelle, en 1693. Pas de chance pour lui, il tombe dans une propriété dont le patron, Monsieur d’Audouin, est un fou furieux qui a arrêté le cacao ou l’indigo pour se consacrer uniquement au rentable commerce du sucre.
Heureusement pour Jean, il a rencontré sur le bateau le père Labat, chimiste et botaniste, parti aux Antilles étudier la flore. Labat découvre sur place que l’alcool qu’on propose aux esclaves et aux marins est certes d’une odeur et d’un goût détestables (un « goût de charogne », précise Labat), mais qu’il est efficace pour la santé. Ce « tafia » (ou « guildive ») a des vertus dont il veut percer les secrets, les « forces agissantes », l’occasion au bout du compte de fabriquer du bon rhum.
Sur place, Jean Rouen souffre aux côtés des Noirs, maltraité comme eux, loin des conditions de vie qu’il imaginait. Sa santé en prend un coup et il ne devra sa survie qu’au prêtre qui l’embauche pour ses connaissances de verrier afin de reconstituer un alambic venu de France. L’« eau de vie », au sens propre, va bientôt naitre et c’est son histoire que commence à raconter cet album au dessin réaliste mais aux couleurs quelquefois un peu sombres.
Quatre tomes annoncés pour cette série, plus exactement pour le premier cycle car la saga lancée dans les pas de ce jeune ouvrier qui va devenir planteur sera familiale, historique et couvrira plusieurs siècles. Le premier cycle devrait courir jusqu’à l’éruption de la Montagne Pelée, en 1902, autant dire qu’une histoire au long cours nous attend, aventurière comme il se doit et très bien documentée, qui plus est !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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 « Rhum Héritage T1 : Eau de vie, eau de mort » par Mateo Guerrero et Tristan Roulot
Éditions Robinson (14,95 €) – ISBN : 978-2-0170-4447-5