Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Décès de Rinaldo Traini : Lucca pleure le maestro des fumetti…
C’était au temps où la bande dessinée, les fumetti en Italie, étaient encore considérés comme des divertissements pervers pour la jeunesse. Comme Francis Lacassin, puis Claude Moliterni en France, de l’autre côté des Alpes un nostalgique de l’âge d’or des années 30, s’est lancé dans le pari fou de faire entrer les fumetti à l’université de Rome. Cet homme, Rinaldo Traini, nous a quittés le 4 juin à l’âge de 88 ans.
Comme beaucoup d’agitateurs en faveur de la bande dessinée au cours des années 60, Rinaldo Traini, né à Milan en 1931 est un nostalgique des illustrés d’avant-guerre et plus particulièrement des héros américains : « Tarzan », « Le Fantôme », « Mandrake », « Prince Vaillant »… Dès 1960, il s’occupe de la mise en place d’un département de recherche centré sur la bande dessinée dans le cadre de l’institut pédagogique de l’université de Rome. En 1966, il participe au premier salon européen centré sur la bande dessinée à Bordighera. Deux ans plus tard le « Salone Internazionale dei Comics » s’installe à Lucca (Lucques). Devenu son directeur, Rinaldo Traini imagine le prestigieux « Yellow Kid » attribué aux auteurs, tout en dirigeant « l’Archivio Internazionale della Stampa a Fumetti » dans le cadre de l’Université de Rome.
Comme ses amis Français, Traini s’entoure de personnalités passionnées par la bande dessinée : Claudio Bertieri, Max Massimo Garnier, Ernesto G. Laura … mais aussi Federico Fellini ou encore Umberto Ecco. Si les héros de l’âge d’or y sont toujours présents, le salon s’ouvre aux créateurs italiens : Pratt, Crépax, Albertarelli, Battaglia, Toppi, Buzzelli… mais aussi aux auteurs étrangers. Dès l’automne 1968 je me souviens de nos départs nocturnes gare de Lyon pour débarquer à Lucca le lendemain matin cornaqués par le cher Claude Moliterni. L’accueil de Traini était toujours chaleureux, même si parfois il devait affronter les problèmes d’intendance. Ainsi ce matin où Moliterni et moi protestions pour un hôtel trop éloigné de la ville où nous étions logés et lui les bras en l’air hurlant « Furia francese ! ».
Dans le cadre du salon, il a publié la revue Comics puis lancé sa propre maison d’édition, Comic Art, qui a proposé deux magazines phares de la presse BD italienne, Comic Art à partir de 1984, puis l’Eternauta  à partir de 1988. Il a aussi animé de nombreuses collections  proposant des albums dans tous les genres, Yellow Kid, Reprint, New Comics now, Gerthe Daily, Autori, Ristampa, Comics oggi…Le salon d’Angoulême lui doit beaucoup puisque Françis Groux, premier directeur du salon français, s’est déplacé à Lucca avec Claude Moliterni pour le rencontrer. Pour les habitués de Lucca, les premières éditions du salon d’Angoulême ressemblaient diablement à son modèle italien, le « Yellow Kid » remplacé par le pingouin « Alfred ».
Rinaldo Traini appartient à cette première génération de passionnés qui en Europe se sont levés pour faire partager leur amour pour la bande dessinée. Ils ont tout inventé, tout défriché, multiplié les expositions, les manifestations… Bref, nous leur devons beaucoup !
En écrivant ces lignes je ne peux m’empêcher de penser à Claude Moliterni, complice et ami de Rinaldo. En cherchant des photos pour illustrer cette triste Actu j’ai découvert une photo sympa de Claude que je vous offre…
Henri FILIPPINI
Ps : Nous sommes évidemment très peinés à BDzoom.com, dont la plupart des collaborateurs, les premiers surtout (je pense à Philippe Mellot, Cecil Mc Kinley et moi-même), avaient eu le plaisir de rencontrer ce passionné de la première heure. Au nom de l’ensemble de la rédaction, nous adressons nos plus sincères condoléances à la famille et aux proches de Rinaldo Traini. Pensées amicales et remerciements à Gianfranco Goria (afnews.info), infatigable explorateur du 9e art, qui nous a prévenus de cette triste nouvelle… Laurent Turpin
Merci de cet hommage à l’un des acteurs de l’histoire de la bande dessinée. Il compte parmi ces lecteurs, amateurs qui au tournant des années 1960-1970 ont contribué au côté des auteurs et des éditeurs à transformer le domaine de la bande dessinée.