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La genèse revisitée par « Les Rescapés d’Eden » …

02/05/2019
Par Laurent Lessous

D’après la bible, l’Eden ou jardin des délices est le lieu merveilleux où vivaient Adam et Ève jusqu’au moment où ils en ont été chassés pour une sombre histoire de pomme. Et si cette histoire était en même temps plus simple et plus compliquée. « Les rescapés d’Eden » revisite la Genèse avec de l’imagination, des rebondissements inattendus, des références au monde d’aujourd’hui et de l’humour, beaucoup d’humour.

Yab et Soléa

Il y a 300 000 ans, au sein d’une nature luxuriante, se niche une cité ultra-moderne protégée du monde extérieur par une immense muraille électromagnétique qui empêche tout franchissement.

La société urbaine qui y prospère ressemble beaucoup à la notre avec des adolescents connectés au réseaux sociaux, des rues embouteillées de véhicules motorisées et le développement de l’intelligence artificielle. Un ordinateur central d’une puissance inégalée contrôle l’ensemble de la mégapole. Il se gère lui-même et puise l’énergie dont il a besoin en forant de plus en plus profondément le manteau terrestre.

Haroun, un scientifique chevronné, s’inquiète du danger pour la cité de ces forages au cœur de la terre. Ses mises en garde ont peu d’écho auprès des dirigeants. La victoire des noyausceptiques annonce pour lui une énorme catastrophe.

Les rescapés d'Eden page 3

Pour le moment, ces sombres perspectives d’avenir ne troublent pas le quotidien des lycéens de la cité. Yab, introverti et geek notoire, n’ose pas aborder Soléa, une belle fille de sa classe qui n’a pas froid aux yeux. Pour la séduire, il s’essaye vainement à la guitare puis à l’aérovespa, puis à la musculation, toujours sans aucun succès.

Pendant ce temps, Eden est frappé par ses séismes de plus en plus rapprochés. Après l’un deux, Soléa découvre une brèche qui mène au monde extérieur, toujours interdit. Yab, la suit et ensemble ils découvrent un monde préhistorique peuplé de grands mammifères mais aussi de peuplades humaines qui ne connaissent pas la civilisation.

Ils retournent plusieurs fois dans une jungle finalement accueillante. Ces voyages les lient de plus en plus, jusqu’au jour où, … ils sont définitivement chassés de l’Eden, mais je ne vous dirais pas comment.

Hors de l'Eden

Cette fort sympathique série d’aventures fantastiques procède d’une relecture décalée du premier livre de la bible : la Genèse. Adam et Ève sont ici deux lycéens qui se trouvent chassés d’une cité paradisiaque protectrice, l’Eden, forcément l’Eden.

En scénariste malin et facétieux, Bernard Swysen parsème le récit de références amusées au texte d’origine ; Soléa rapporte un fruit inconnu à Yab : une pomme rouge, c’est un serpent qui conduit le jeune homme vers sa belle, sur les parois d’une grotte sont transcrits les 7 premiers jours du monde d’après l’ancien testament ou le décalque amusé page 51 de la célèbre fresque de Michel-Ange sur dieu donnant la vie à Adam.

Soléa mène Yab par le bout du nez ...

Tout en s’amusant à parodier un des textes les plus connus au monde, Swysen construit un solide récit d’aventures aux rebondissements inattendus et au message écologique transparent : les noyausceptiques qui amènent l’Eden à sa perte font références aux climatosceptiques aveugles au dérèglement climatique contemporain.

La pomme et la sortie de l'Eden

Le trait affirmé, réaliste pour des décors parfois foisonnants, expressifs pour des personnages tous bien caractérisés de Siteb (Jérémy Betis) étonne lorsque l’on apprend que c’est sa première BD publiée. Nul doute qu’une belle carrière s’ouvre pour le jeune dessinateur talentueux. Elle se poursuivra, c’est sûr, dès le tome 2 d’une série dont le premier volume nous a agréablement surpris par un mélange des genres très réussi : un humour potache, des éléments fantastiques et un récit d’aventure haletant n’empêchent pas une relecture moderne d’un texte antique pour un message d’une actualité brûlante.