Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Special Bliss comics : un « Dead Drop » rafraîchissant, « Britannia » renouvelé, et un « Docteur Mirage » séduisant…
Les éditions Bliss ont pris leur rythme de croisière et sont parvenues à sortir du carcan des premières séries originales Valiant : « XO Manowar », « Shadowman », etc. Après « War Mother », « Génération Zéro », ou « Savage », « Doctor Mirage » présente un scénario original mettant en scène une enquêtrice du paranormal, mariée à un fantôme. Le tandem créateur inclut le dessinateur Roberto de la Torre, bien connu des habitués de l’éditeur. Il impressionne dès les premières pages, grâce à son dessin fin réalisé à la palette graphique. Un style jeté, ébauché, apportant une dynamique agréable à son trait hyper réaliste. Les couleurs de David Baron complètent superbement ce travail.
Jen Van Meter est une autrice découverte chez Dark Horse ( « Buffy the Vampire ») et révélée aux éditions Oni press aux États-unis, avec « The Blair Witch Chronicles » mais surtout la mini série personnelle « Hopeless Savages », récit mélo dramatique familial, sur ton de culture rock alternative, mâtiné de fantastique. Elle a sinon eu l’occasion de passer sur des séries DC et Marvel et se trouve être la femme de Greg Ruka. Cette nouvelle série originale a été créée en 2014. Elle introduit un univers, qui, s’il pourra rappeler quelque peu celui de « Shadowman », reste indépendant de toute autre série Valiant. On se doute néanmoins que ce dernier pourrait bien rejoindre ce couple d’enquêteurs à l’occasion. Celui-ci est formé de Shan, belle jeune femme aux cheveux teints en gris, alias Doctor Mirage, medium parlant et voyant les morts, et le beau Hwen, son compagnon, décédé quelques années plus tôt, mais qui l’accompagne sous sa forme désincarnée. (Vous vous souvenez du film « Ghost »?).
Le premier épisode de la mini série « The Death Defying Doctor Mirage » (« Celui qui défie la mort », 5 épisodes) introduit l’univers et le couple de manière un peu abrupte et il faut s’accrocher pour garder le goût de passer au suivant. Celui-ci, basant son intrigue sur un mur déchiré, ouvrant un passage entre le monde des morts et des vivants, puise trop d’éléments déjà vus dans « Shadowman », « Le guerrier éternel » voire « Hellboy », avec cette créature enchaînée torturée. Il faut attendre l’épisode trois pour rentrer dans le cœur des personnages, et plus précisément celui de Shan, qui nous apparaît dès lors plus humaine. Des Flashbacks détaillent la relation entre les deux amants.
La seconde mini série incluse dans ce premier recueil sous-titré « Second lives », va vraiment décoller, en proposant une histoire davantage basée sur l’aspect thriller et enquête, que le fantastique initial. Ces épisodes sont assurés au dessin par Diego Bernard, Tom Palmer, Al Barrionuevo et Brian Level, qui, avec leurs styles propres, s’insèrent néanmoins bien aux côtés de celui de De la Torre. L’intrigue se ressert sur les personnages, d’autres protagonistes font leur apparition, et tout un univers se met en place, rendant la lecture beaucoup plus facile et intéressante. L’ambiance est davantage « Black Monday Murders » ou « Invisible Republic » comme si la première mini série n’était qu’un entraînement, une hésitation…
En conclusion, et même si les débuts se cherchent un peu, ajouté aux superbes couvertures réalisées par Travel Foreman, Kevin Wafa, ou Jelena Kevic-Djurdjevic, ce premier tome de « Doctor Mirage » livre en seconde partie une réelle richesse scénaristique, un ton et des idées originales, que l’on souhaite ardemment voire développés. À suivre donc, espérons-le.
« Britannia : les aigles perdus de Rome ». Dans la précédente chronique du tome 2 de cette série séduisante, je faisais part de ma petite déception, avec un tome quelque peu loufoque, voire limite parodique. Force est de constater que Peter Milligan à travaillé sa copie, nous délivrant, avec cette nouvelle histoire, un récit bien plus convaincant.
On retrouve donc Antonius Axia, enquêteur sous les ordres de l’empereur fou Neron, chargé de retourner dans les forêts sombres du Teutobourg, (basse Saxe) où trois légions viennent d’être décimées, et leurs étendards sacrés, les aigles, perdus (nous sommes donc en septembre 9). Cela a des conséquences politique sur Rome, et Néron ne peut envisager être réélu sans les retrouver. Antonius, malgré ses craintes, va cependant être secondé par Achillia, la belle entraineuse des gladiateurs, héroïne du tome précédent, dont il est amoureux. Se basant sur ses intuitions, et un message codé de Rubria, la grande vestale, tous deux vont voguer vers l’Egypte, où il se pourrait qu’ils trouvent des indices. En effet, le général Verres, et un éclaireur, Bulbus, parmi les rares rescapés de la bataille, y ont été mutés, et coulent des jours heureux…Suffisamment intriguant pour aller les interroger…
Se focalisant à nouveau sur le principe d’enquête, et développant l’étude des personnages, avec leur faiblesses et leurs faces sombres, utilisant aussi le plein potentiel des artistes mis à sa disposition : Robert Gill, Brian Thies, ou Juan Castro, Peter Mulligan revient au coeur du principe de sa série, et intéresse le lecteur dès les premières pages. Si les coloristes : José Villarubia, avec Diego Rodriguez et Andrew Dalhouse font, quant à eux, un travail remarquable, on est davantage impressionné par les magnifiques couvertures réalisées par les grands Cary Nord et David Mack. Quatre épisodes au top, remettant en selle « Britannia », une très bonne série.
« Dead Drop », écrit par le jeune Ales Kot, déjà chroniqué à l’occasion de « Generation Gone » paru en février chez Hi comics (http://leblogd-hectorvadair.blogspot.com/2019/03/generation-gone-hacker-nest-pas-jouer.html) est un auteur prometteur. Il délivre ici un récit indépendant, dynamique et à l’humour revendiqué, mettant en scène plusieurs héros de l’univers Valiant n’ayant pas l’habitude de se trouver ensemble.
En plein New-York, XO Manowar (Alric) intervient, apparemment mandaté pour arrêter ce qui semble une attaque chimique de grande ampleur. Un virus extraterrestre, capable de détruire une civilisation entière, a été dérobé, et doit être absolument récupéré. Néanmoins, le chef de l’équipe mandatée : Neville Alcott, fait preuve d’une attitude étrange, qui va rapidement laisser transparaitre sa vraie nature. L’équipe engagée sur cette mission n’est pas Unity, mais Alric, Obadiah Archer en solo, complètement barré, et un nouveau venu : Beta Max, humain à moitié bionique, pas très futé non plus, mais bourré de gadgets. Lorsqu’il apparait que ces trois ont été embarqués dans un piège, le vrai Neville Alcott est prévenu in extremis par un canal parallèle et dépêche l’inspectrice Cejudo pour tenter de réparer les dégâts. Un petit bout de femme efficace, que l’on va apprendre à apprécier.
« Dead Drop » est un parfait mix entre la science-fiction de l’univers Valiant que l’on adore et l’humour, aussi présent dans les séries « Archer and Armstrong », ou « Quantum & Woody ». Un mix fonctionnant parfaitement dans cette histoire à cent à l’heure, où ne manque juste que Ninjak, que l’on s’attend à voir débarquer d’un moment à l’autre. Le dessin d’Adam Gorham, s’il surprend un peu au premier abord, séduit cependant par son trait informatique réaliste, (parfois proche de celui de Matt Kindt, surtout grâce aux couleurs mates appliquées par Michael Spicer). Les couvertures très esthétiques et au graphisme postmoderne sont réalisées par Raúl Allén. Une belle surprise, chaudement recommandée aux amateurs d’action.
Franck GUIGUE
40/30/30 le blog d’Hectorvadair
« Doctor Mirage » par Jen Van Meter, Roberto de la Torre…
Éditions Bliss comics (25€) – ISBN : 978-2-37578-144-9
« Britannia : les aigles perdus de Rome » par Peter Milligan et Robert Gill…
Éditions Bliss comics (17 €) – ISBN : 978-2-37578-152-4
« Dead Drop » par Ales Kot et Adam Gorham
Éditions Bliss comics (17 €) – ISBN : 978-2-37578-146-3