Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Monsieur Choc : la boucle est bouclée …
Journal de Spirou numéro 874 du 13 janvier 1955, planche 8 de « Tif et Tondu contre la Main blanche » : « Je suppose que vous êtes déçus, mais je suis méfiant et je ne me démasque jamais… » confie au chauve et au barbu un homme élégant en smoking portant un heaume dissimulant son visage. Printemps 2019, planche 77 du tome 3 de « Choc », le même personnage prononce la même phrase aux deux héros. La boucle est bouclée.
« Mon idée est alors de dynamiser cette série, mais Tif et Tondu, par eux-mêmes, ne me semblent pas en avoir la ressource. En leur faisant affronter un adversaire, un méchant de grande envergure, de haut vol, je pense qu’ils seront eux aussi tirés vers le haut. Au début, j’imagine un malfrat que l’on ne verrait que de dos. Mais en terme de mise en scène, cela risque d’être vite très limité. Alors, je commence à réfléchir aux méchants qui m’ont fait peur quand j’étais petit. Et du fin fond de mon enfance, je remonte à Fantomas. L’incarnation du mal pour plusieurs générations ! De Cocteau aux surréalistes !… .Je veux évidemment que son visage, son identité, restent un mystère. Fantomas changeait de visage en permanence, mais le lecteurs de « Tif et Tondu » s’y serait perdu. Je pense donc à ce heaume de chevalier. Avec le smoking, cela donne un ensemble aristocratique, hiératique. Monsieur Choc, n’est-il pas le prince du crime ? ». C’est ainsi que Maurice Rosy (1927/2013) évoquait la création du personnage de Choc à José-Louis Bocquet dans l’indispensable ouvrage « Rosy, c’est la vie ! » (éditions Dupuis, 2014, ISBN : 978 2 8001 6080 1). L’homme, depuis peu embauché comme « donneur d’idées » par la famille Dupuis, venait d’avoir celle qui allait lui assurer l’immortalité.
Campé par l’excellent Will, le personnage de Monsieur Choc est régulièrement présent dans les aventures de Tif et Tondu jusqu’en 1968 (« Tif rebondit »), année où son ami Yvan Delporte est licencié de son poste de rédacteur en chef. Il faudra attendre 1984 pour retrouver l’homme au heaume dans « Traitement de Choc » auprès des deux héros dont les aventures sont alors écrites par le jeune Stephen Desberg, ami de la famille de Will qui dessine toujours la série. Maurice Rosy y est remercié pour sa gentillesse qui a permis ce retour de Choc sur la scène du crime. Deux ans plus tard, à la fin de l’album « Dans les griffes de la Main Blanche », Monsieur Choc perd la vie au cours d’une poursuite en bateau entre lui et Tif qui se termine par une explosion. Son corps n’ayant pas été retrouvé, peut-être qu’un jour…
Réponse que l’on n’aura pas lorsque trente ans plus tard Éric Maltaite, fils de Will, et Stéphan Colman décident de redonner vie à Monsieur Choc. En effet, ils ambitionnent de s’attaquer aux origines du personnage avant l’arrivée de Tif et Tondu dans sa vie. Un projet ambitieux qui avait séduit Maurice Rosy lorsqu’il lui avait été présenté peu avant son décès en 2013.
Le dernier volet de cette formidable trilogie débute en septembre 1955 au cimetière de Stevenoaks où l’inspecteur Fixchusset assiste à l’enterrement de l’inspecteur principal Dawson son mentor, tué en Turquie alors qu’il poursuivait Choc porté disparu à la suite d’un impressionnant carambolage. Fixchusset, qui, à juste titre, ne croit pas à la mort du redoutable malfaiteur, est enlevé et confronté une nouvelle fois à l’homme au heaume. L’occasion pour Choc d’évoquer son arrivée en Allemagne nazie en 1936, sa vengeance sanglante en 1938 envers ceux qui ont détruit son enfance, sa tentative de suicide à Paris évitée par Dawson, sa fuite de Hambourg sous le feu des bombes alliées en 1943 le visage défiguré après la fin tragique de son ami William… En deux mots, comment Eden, fils d’une pauvre servante du manoir de Knightgrave est devenu Monsieur Choc. Si les deux premiers épisodes ont tenu en haleine les lecteurs, cet ultime album est un véritable feu d’artifice tant au niveau du scénario qui jongle habilement avec l’écoulement du temps et de la grande Histoire, qu’au niveau du dessin superbe d’Éric Maltaite, sublimé par les couleurs de Cerise.
Cette trilogie remarquable de bout en bout ne doit pas faire oublier qu’elle est le spin off d’une série incontournable à lire et à relire, disponible en version intégrale aux éditions Dupuis.
Né en 1961 à Liège, petit-fils d’un peintre réputé, Stephan Colman après les Beaux-Arts de sa ville natale débute comme dessinateur à Spirou où il crée le personnage de « Billy the cat » avec Stephen Desberg. Il est depuis de longues années le scénariste des aventures du « Marsupilami » dessinée par Batem.
Fils du dessinateur Will, Éric Maltaite né en 1958 à Bruxelles apprend le métier auprès de son père. Il travaille pour Spirouoù il campe « La Famille Hérodius » puis le personnage de « 421 » sur des scénarios de Desberg. Avant de se lancer dans la trilogie « Choc », il a signé « Mono Jim », « Carmen Lamour », « Robinsonne », « Les 1001 nuits de Shéhérazade », Zambada »… Pour réaliser « Choc » il adopte un trait plus réaliste, puissant, aux noirs et blancs d’une rare intensité. Nul doute que son père, le grand Will, aurait été très fier de son fiston. Notons pour l’anecdote que Will avait imaginé avec la complicité de Rosy la révélation du vrai visage de Monsieur Choc dans un récit de deux planches publié par Spirou en 1976 (numéro 2001, du 19/08). Pour le plaisir nous vous en proposons la séquence finale.
Notons que l’hebdomadaire Spirou qui n’a pas prépublié l’histoire, présente en compensation un épisode inédit de huit pages : « Avec les compliments de Monsieur Choc », signé Colman et Maltaite. Situé en 1947 au Brésil, ce récit raconte comment Monsieur Choc a fait le vide autour de lui après avoir subit une opération destinée à transformer l’aspect de son visage.
On peut savourer le travail d’Éric Maltaite dans un somptueux album de grand format en noir et blanc édité par Dupuis qui reprend les 280 pages de la trilogie. Tirage limité à 1500 exemplaires ( 48 €, ISBN : 979 103 47 3807 6). Les éditions Khani proposent un tirage de tête, également en noir et blanc, de cette troisième partie limité à 200 exemplaires (135 €, ISBN : 978 287 57 1045 1).
On ne peut que souhaiter le retour prochain du duo Colman/Maltaite avec bien sûr le fascinant Monsieur Choc.
Henri FILIPPINI
« Choc : Les Fantômes de Knightgrave » T3 par Stephan Colman et Éric Maltaite
Éditions Dupuis (16,50 €) – ISBN : 978 2 8001 6806 7).
Si le dessin est en effet excellent, que dire du scénario ? Tous les poncifs de la BD d’aujourd’hui y sont réunis : logorrhée verbale à l’emphase boursouflée, scénario découpé en mini-séquences qui hachent le récit, amours homosexuelles affichées sans être au service du récit, l’inévitable césure pro/anti nazis, etc ., Mais où est passé l’humour, la fantaisie, la poésie ? Peut-être est-elle partie avec l’âge, n’est-ce pas, Cher Monsieur ?
« logorrhée verbale à l’emphase boursouflée » -> hôpital, charité… Le tout par l’exemple. Merci
Fait plutôt penser à un discours d’aigri et de frustré qu’une critique valable et constructive. Chacun s’amuse comme il peut avec ce qu’il a. Triste !
« … Et maintenant que je marche dans la vallée de l’ombre de la mort… Je ne crains aucun mal car tu me rassures. Tu restaures mon âme et me conduis sur les chemins de la justice. Ton amour me pénètre. Ta lumière… M’éblouit. Je ne ressens nulle peur…Car je la méprise autant que les membres du Northside Darts Club. Tu me diriges vers les eaux troubles … Tu m’invites à me reposer dans tes verts pâturages. A tes côtés…Je me sens apaisé. « Etc. Ca continue encore sur deux pages …
De mon côté je suis plutôt déçu du dessin de Maltaite qui était au tournant des années 80 un des meilleurs modernisateurs de l’école Spirou,qui progressait prodigieusement à chaque album avant de soudain stagner puis se perdre en route.La motivation revenue on pouvait espérer plus sur ce récit où le trait d’encre (numérique je crois) est trop lourd et pataud.Même si Maltaite est globalement bien revenu .
Puisque on parle de sujet canonique avec la création de Choc par Will et Rosy voici un document « d’époque » plein d’enseignements et au casting de rêve: https://www.youtube.com/watch?v=ItflvWoaMec&feature=share&fbclid=IwAR0gdWN5e9VjN3sWsuMYNi2MywQjz6g-TjWKnTwn2wHFbzfAjJjlx_Od6Cc
Et pour le plaisir de l’oeil quelques aquarelles de Lambil en expo,d’autant qu’il dit dans Spirou que c’est certainement la seule et unique fois: http://www.lestuniquesbleues.com/forum/viewtopic.php?id=945