Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Avant » : Yann et Lereculey au cœur de la préhistoire…
Depuis quelques années Yann est devenu un scénariste trop « sérieux » se lamentent ses vieux fans qui regrettent l’humour décapant du créateur de « Bob Marone », « Yoyo », de « La Patrouille des Libellules » ou encore des « Innommables ». Qu’ils se rassurent, l’humour un rien caustique (je suis gentil… ) de Yann est de retour avec cette plongée au cœur d’une préhistoire délirante conçue avec la complicité de Jérôme Lereculey qui pour l’occasion se libère aussi.
C’est il y a bien longtemps, en Australie selon Yann, que prospère une tribu d’hommes (et de femmes) préhistoriques. Notre jeune héroïne, Musaraigne, dite Mumu, est la fille bâtarde de Smilodon le chef et de Goana l’une de ses épouses. Smilodon est un Néandertalien buté et un brin macho qui s’apprête à épouser sa quatrième femme. Au grand dam de Goana jalouse qui appartient à une branche plus évoluée des Homo sapiens et qui sait se défendre lorsqu’on l’attaque.
En compagnie de Grox, un horrible animal à la race indéterminée, et de son petit frère un rien froussard, la gamine qui n’a pas la langue dans sa poche, fait preuve d’ingéniosité et de courage lorsque la vie des siens est menacée. Et en ces temps lointains les raisons de se frotter à des prédateurs à poils ou à plumes, sur quatre comme sur deux pattes ne manquent pas. Si « Mumu la bâtarde » est l’héroïne incontestable de cette trilogie, de nombreux autres  personnages hauts en couleur s’activent au fil de pages trépidantes aux décors soignés. Bien que visant à l’origine un large lectorat, Yann décidément indécrottable, et c’est tant mieux, peuple ses pages de jolies femmes aux poitrines fièrement dénudées. D’autant plus que Jérôme Lereculey sait dessiner les seins des filles ! Souhaitant absolument que leurs récits soient pré publiés dans les pages de Spirou, journal réputé pour enfants où les seins dénudés ne sont pas les bienvenus, les deux compères ont posé un sérieux problème au rédacteur en chef. Résultat : avec la complicité du dessinateur Sti qui anime les marges du journal, les poitrines féminines sont astucieusement recouvertes.
Lecteurs, rassurez-vous, dans les pages de l’album ces dames se dévoilent à nos regards concupiscents sans la moindre pudeur. Quant à la version « censurée » de Spirou débutée dans le numéro 4218 de l’hebdomadaire belge, elle risque fort de devenir rapidement collector.
Entre « Rahan » et « La Guerre du feu », mais aussi « Tounga » qui a marqué la jeunesse de Yann, les deux auteurs s’offrent une savoureuse dose de parodie accompagnées de quelques belles saillies envers notre époque réputée civilisée. Cette première tranche bien saignante d’une série de trois, grâce à son double niveau de lecture, fera le bonheur des lecteurs de tous âges.
Une fois encore, Yann est là où on ne l’attend pas, toujours prêt a dégainer, comme seuls les grands scénaristes savent le faire. Né à Rennes en 1970, Jérôme Lereculey signe aux éditions Delcourt le polar « Nuit Noire » avec David Chauvel, scénariste qu’il retrouve avec la longue saga d’ « Arthur » puis  celle de « Wollodrïn ». De l’héroic Fantasyà la préhistoire, il n’y a qu’un pas qu’il franchit allégrement tant son univers graphique est étendu et riche.
Henri FILIPPINI
« Avant T1 : Mumu la bâtarde » par Jérôme Lereculey et Yann
Éditions Dupuis (13,95 €) – ISBN : 978 2800174570
De mémoire, il y avait des seins nus chez Rahan. Alors pourquoi pas ici?
Sûrement que les communistes qui pilotaient le magazine de prépublication de la série étaient plus libres finalement. Ou alors, cette censure qui met encore plus en avant des détails anatomiques précis est juste une grosse blague qui dure au fil des pages. D’ailleurs, j’ai remarqué quelques oublis dans le premier épisode.   :-)
Dans Rahan, les seins se sont découverts, puis recouverts… signe des temps!
Dans Spirou, il s’agit plus d’un gag que de censure, c’est fait de manière très rigolote. Et dans un numéro récent, celui du premier épisode d’Avant il me semble, dans la page de jeux, il y avait des hommes préhistoriques sans culotte, pas censurés!
Olivier cela m’intéresse! Pouvez vous donner des détails sur ces soutien-gorges? Il y en avait au début de Rahan (vers 1969), puis ils ont disparu. Vous dites qu’ils ont été rétablis?
Je n’ai fait que parcourir les derniers albums et c’est ce que j’ai constaté.
Comme si un téton allait rendre les enfants pervers alors que c’est cela qui les a nourris dans les premiers jours de leur vie. Minable !
Yann joue à nouveau la provoc’ et ça marche !