Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Emma Wrong cherche le « vrai »…
Drôle de femme que cette Emma Wrong, que Laura Guglielmo et Lorenzo Palloni nous invitent à rencontrer en plein désert du Nevada pour assister à un spectacle hors du commun : le premier essai nucléaire sur le sol américain. Contrairement aux apparences, cette explosion n’est pas le sujet. Le sujet, c’est elle, cette magnifique brune qui recherche un amour disparu… arme à la main !
Janvier 1951 : Emma s’est installée à quelques kilomètres du site de lancement, à Hot Rock Motel pour être précis. Et pour être « hot », ça va être « hot », car Emma s’est lancée dans une course folle – ce n’est pas peu dire ! – pour retrouver un homme qui a beaucoup compté dans sa vie. Elle en est toujours terriblement amoureuse et, pourtant, Michael l’a abandonnée il y a déjà 15 ans !
Pas question de dévoiler ici qui est cet homme et pourquoi elle le recherche sans savoir à quoi il ressemble, éliminant autour d’elle ceux qui semblent ne pas être lui ! Le mystère est parfaitement entretenu au fil de l’album et on est très vite happé par cette quête aussi curieuse qu’inquiétante. Impossible de lâcher cette femme au passé douloureux et au présent plutôt cruel. Quelques flash-backs éclairent peu à peu son parcours… atypique. Un de ses prétendants résume bien ce type de femmes : « Jeunes, belles et à la recherche de quelque chose dont elles ignorent tout » !
Comme le dit également une des touristes présentes dans le motel, « nous ne sommes pas dans un roman d’Agatha Christie ». Côté huis-clos, ça pourrait le faire, côté meurtres, c’est tout autre chose, en effet. Le fait est que la présence d’Emma déclenche une cascade de situations imprévisibles et dont, à aucun moment, on ne peut imaginer ce qui va s’ensuivre. Toujours est-il que le séjour estival au bord de la piscine sera davantage chamboulé par la présence d’Emma que par l’imminence de l’essai nucléaire ! L’occasion d’apprendre, d’ailleurs, que « Dans les années cinquante, des milliers de touristes courent voir des explosions nucléaires à Las Vegas. La ville en fait l’une de ses attractions » (Cf. Las Vegas : « Atomic City »).
Si le scénario est un modèle du genre en matière de polar, le dessin est quant à lui plutôt simple, mais doté d’une mise en couleurs redoutable d’efficacité. Les aplats posés comme à l’emporte-pièce, rehaussent les reliefs, jouent les clairs obscurs, construisent les ombres ou assènent les décors de lumière sans concession, en produisant des ambiances aussi surprenantes que savoureuses. Et l’album ne manque pas d’action !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
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« Emma Wrong » par Laura Guglielmo et Lorenzo Palloni
Éditions Akileos (19 €) – ISBN : 978-2-3557-4362-7