Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
Lire la suite...« Babybox » par Jung

Ce n’est pas tout de savoir où l’on va quand on voyage, il faut aussi savoir d’où l’on vient et, paradoxalement, il est des personnages qui, pour savoir d’où ils viennent, y vont, précisément ! C’est le cas de l’héroïne de cet album tout entier porté sur nos ascendances qu’on croit évidentes et certaines qui ne le sont pas toujours, avec à la clé un récit intime et touchant…
Alors qu’elle était toute petite, la mère de Claire lui a dit qu’un jour elle lui révèlerait quelque chose d’important mais un accident de voiture va priver la jeune fille de cet aveu toujours repoussé et qui n’arrivera donc jamais. D’origine coréenne, et alors qu’elle a tout pour être heureuse, Claire porte péniblement ce secret. La mort de sa mère et le coma de son père la condamnent encore davantage à ce mal-être.
En recherchant des pièces nécessaires à l’administration, Claire trouve dans la chambre parentale un document sur sa naissance et découvre qu’elle est une enfant adoptée. Dès lors, aller en Corée du Sud pour en savoir plus long, savoir qui elle est vraiment, devient une nécessité vitale. Pour elle et son jeune frère Julien, c’est l’occasion d’un voyage à Séoul, de la ville hypermoderne aux quartiers traditionnels.
Accueillie par une tante, Claire trouve des explications à ce qui la définit : son goût pour la cuisine asiatique, sa passion pour la couleur rouge… Son enquête familiale lui fait aussi découvrir l’utilisation si particulière de la boite à bébé, la « babybox » dont on ne dira rien de plus pour laisser au lecteur le soin de découvrir ce que cela signifie.
Raconté à la première personne, cette histoire est d’abord un récit très souvent illustré en noir et blanc où le rouge intervient régulièrement comme une obsession, un traumatisme. Le blanc domine également car les cases sont souvent sans décors, mais Jung sait aussi nous faire profiter ici et là de vues détaillées de rues bardées d’enseignes et de fils électriques ou de temples sereins.
L’auteur s’est toujours intéressé aux origines familiales puisque « Couleur de peau : miel », précédente série constituée à l’origine de trois albums parus chez le même éditeur, constituait déjà une autobiographie en BD où il relatait son expérience d’enfant coréen adopté par une famille européenne. Jung proposera même un quatrième titre, en 2016, à partir de son voyage dans son pays natal à 40 ans passés, un voyage émouvant, géographique mais aussi intérieur qu’il concluait ainsi : « Vive la mixité et la diversité ». « Couleur de peau : miel » fut également adapté au cinéma sous forme de dessin animé par Laurent Boileau.
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Babybox » par Jung
Éditions Noctambule (18,95 €) – ISBN : 978-2-3020-7118-6