Après leur collaboration remarquée sur « Sangoma », le romancier Caryl Férey et le dessinateur Corentin Rouge retravaillent ensemble, pour notre plus grand plaisir ! Dans ce qui sera une trilogie de pas moins de 450 pages angoissantes (le tome 1 en contient déjà 150), la crise migratoire s’est amplifiée et touche désormais le continent européen victime de multiples catastrophes. D’innombrables réfugiés venus de tous pays — ayant sûrement fui les changements climatiques, les guerres ou les pandémies — s’amassent au port du Havre… Dans ce lieu de transit, ils espèrent accéder aux rares bateaux qui pourront les embarquer, via l’Écosse, en destination de l’hypothétique salut que représente l’Islande : unique contrée épargnée, mais pour combien de temps encore ?
Lire la suite...« Swan T1 : Le Buveur d’absinthe » par Néjib
Si le graphiste Néjib avait déjà impressionné la critique avec son très documenté roman médiéval graphique « Stupor mundi » (également publié chez Gallimard, en 2016), son nouvel ouvrage, tout aussi soucieux des sources historiques, est le premier tome d’une série située dans le Paris des impressionnistes. Elle raconte la naissance de l’art moderne, sans tomber dans le didactisme à tout crin, grâce à un scénario effervescent, dont la technique narrative est complètement maîtrisée, soutenu par un graphisme toujours très jeté et épuré, mais aux compositions bien plus denses que celles que l’auteur a pu réaliser précédemment !
Cet axe documentaire permet aussi, à ce diplômé des Arts déco, d’évoquer le rôle dévolu aux femmes de l’époque, et particulièrement leur difficulté à s’imposer, autrement que comme modèles, aux membres influents de l’Académie…
« Le Buveur d’absinthe », titre d’un tableau qui fit scandale, peint par un Manet alors inconnu et dont les œuvres personnelles sont systématiquement refusées au Salon de peinture, se déroule en 1859, alors qu’une jeune fille nommée Swan et son frère Scott débarquent des États-Unis, afin de vivre dans la capitale des arts qu’est alors Paris et essayer de percer dans la peinture. Manifestement plus talentueuse que son frère, l’héroïne part quand même avec un sacré handicap : sa condition de femme. En effet, l’art avec un grand A est encore considéré comme une affaire uniquement réservée aux hommes.
En pleine métamorphose menée par le baron Haussmann, la capitale française foisonne de talents sans le sou et qui ne sont absolument pas reconnus par l’ordre établi : que ce soit à l’école des Beaux-Arts ou dans les bistrots.Le parcours vers la reconnaissance artistique des personnages fictifs créés par Néjib (qui croisent toutefois des personnalités ayant réellement existé), sera, évidemment, semé d’embûches… : cette situation romantique, quelque peu similaire à celle que vivent les nombreux graphistes, illustrateurs ou dessinateurs d’aujourd’hui, est habilement suggérée par le sens inné du découpage et du dynamisme de cet auteur au trait vraiment original…
« Swan T1 : Le Buveur d’absinthe » par Néjib