Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Mon père alcoolique et moi » par Mariko Kikuchi
Manga autobiographique, « Mon père alcoolique et moi » traite, comme son nom le laisse supposer, d’un sujet qui touche malheureusement beaucoup de monde : l’alcoolisme. Mais ce manga parle plus généralement des relations familiales tumultueuses, du regard des autres, de la condescendance des adultes par rapport aux enfants, de la difficulté à s’assumer soit même… Bref, c’est une tragédie en douze actes. Une descente aux enfers qui ne peut laisser qu’un goût amer. Un livre, heureusement, plein d’espoirs dans son chapitre final. Mais tout ceci au prix d’années de souffrances et de non-dits.
Mariko évoque sans tabou la vie de sa famille. Son père est alcoolisé dés qu’il rentre à la maison. Il néglige sa famille et préfère jouer au Mahjong avec ses amis de beuveries plutôt que d’emmener ses filles à la piscine. Une famille où la mère se réfugie dans la religion pour oublier son quotidien tragique. Une mère qui finalement abandonnera ses enfants de la pire manière qui soit en se suicidant.
Avec cet ouvrage, la dessinatrice, plus connue sous le pseudonyme de Kaoru Ozawa, est publiée pour la première fois sous son vrai nom. Il lui a sûrement fallu énormément de courage pour évoquer la vie indécente que son père lui a fait subir. Elle commence son récit dès la petite enfance avec l’histoire de cet homme qui la réveille alors qu’il rentre complètement murgé. Puis elle évoque sa honte face à cet ivrogne qui se donne en spectacle en public. Finalement, elle semble se résigner au fil des pages alors que le lecteur ne peut que prendre pitié d’elle et aimerait qu’elle ait conscience que cette situation est anormale. Elle encaisse tous les reproches que lui font les adultes ; comme si finalement c’était elle qui ne comprenait pas ce simple petit plaisir que son paternel s’offre. Elle essaie de faire de son mieux pour aider son géniteur dans ses moments d’égarement. Finalement, elle sacrifie sa vie pour cet homme qui ne s’est jamais réellement occupé d’elle.
Véritable exutoire pour l’auteur, ce livre montre clairement le côté pervers de l’alcool. On voit bien comment un simple plaisir festif arrive si facilement à couper ses consommateurs d’une vie familiale saine et les faire se renfermer sur eux même. Si Mariko compare son père à un monstre, elle a intrinsèquement peur de devenir comme lui. Elle culpabilise et craint de reproduire ce schéma familial alors qu’elle-même n’est pas portée sur l’alcool. Elle se rend surtout compte qu’elle est immanquablement attirée vers les hommes qui ont les mêmes travers que son père et n’arrive pas à lutter contre ça. Elle finit même par découvrir même sa sÅ“ur sous un nouveau jour, elle qui était tout le temps enjouée et qui finalement, cachait aussi un profond mal-être intérieur. C’est quand elle va finalement trouver une stabilité qu’elle arrivera à analyser et extérioriser son histoire afin de la coucher sur papier pour la partager avec ses lecteurs.
Avec son trait enjoué et des personnages attachants avec leurs rondeurs, Mariko Kikuchi a réussi à dédramatiser un sujet de société assez grave. Spécialiste des reportages en manga, qu’elle publie sous le pseudonyme de Kaoru Ozawa, cette acteure arrive à contrebalancer la dureté de son propos par un graphisme assez mignon et décalé. Le trait minimaliste se prête bien à cet exercice. Les personnages sont extrêmement expressifs et, surtout, ils ne sont pas trop ancrés dans la réalité. Tout le monde peut donc s’y retrouver et projeter sa propre histoire sur ces représentations à la limite du symbolique.
« Mon père alcoolique et moi » suscite immédiatement de l’empathie lors de sa lecture. Même si le sujet est dur, la lecture de ce manga est assez agréable malgré la tragédie qui s’y développe. On a vraiment envie que son auteur arrive à se sortir de ses relations toxiques et retrouve un semblant de vie « normale ». Un titre qui fait réfléchir et que l’on ne s’étonne pas de trouver chez les éditions Akata.
Gwenaël JACQUET
« Mon père alcoolique et moi » par Mariko Kikuchi
Édition Akata (9,95 €) — ISBN  : 9 782 369 743 156