Jean-Claude Servais : l’ambassadeur des traditions et croyances en bande dessinée…

Après nous avoir promenés sur « Les Chemins de Compostelle » et avoir abordé les grandes heures de la chevalerie dans une biographie de Godefroy de Bouillon, Jean-Claude Servais revient aux trames qui ont fait sa réputation dans le 9e art : les contes et légendes populaires.

Autoportrait de Jean-Claude Servais aujourd'hui.

Avec cette nouvelle ode à la nature et aux animaux qu’est « Le Chalet bleu », l’auteur de « La Tchalette », « Tendre Violette » ou « Iriacynthe », devenu grand-père, retrouve ses premiers thèmes de prédilection, tout en évoquant le temps qui passe : « En fouillant dans ma bibliothèque… je suis tombé sur les livres que j’avais accumulés à mes débuts (1), je les avais presque oubliés… “Psychanalyse des contes de fées” de Bruno Bettelheim et “Les Âges de la vie” de Christiane Singer. Deux livres dont je m’étais inspiré à l’époque, car je me concentrais exclusivement sur les contes et traditions de mon pays, la Gaume, pour réaliser les albums “La Tchalette” et “Les Saisons de la vie”. Aujourd’hui, je veux voir différemment, tout en revenant à mes premières amours. Les contes de Grimm qu’analyse Bettelheim et les étapes de la vie se marient bien, me semblait-il. »

En effet, c’est ce subtil raisonnement que l’on retrouve dans ce beau récit aussi initiatique que mystique, que le trait sublime — dans la tradition des grands graveurs du XIX^e siècle —d’un Servais totalement ressourcé (fort bien mis en valeur par les couleurs de Guy Raives), illumine pendant ces 72 pages qui nous racontent l’histoire d’Alice. Depuis son enfance, cette jeune fille est bercée par les histoires que lui racontait son grand-père et par les légendes autour de la déesse Cybèle, laquelle s’éprit un jour d’un humble berger… Un conte à l’issue tragique qui scellera le destin de la fillette : là où la forêt côtoie les rêves, là où la magie rassemble les êtres, Alice sera reine.

Loin des règlements domestiques, dans le chalet de son aïeul, la jeune fille grandira au cœur d’une nature sauvage et enchanteresse, parmi les animaux et les créatures sylvestres. Jusqu’à rencontrer à son tour un garçon égaré dans les bois, un garçon sans nom piégé depuis mille ans dans un corps qui ne vieillit pas.

Gilles RATIER

Tirage de luxe du "Chalet bleu".

(1) Jean-Claude Servais a commencé sa brillante carrière en 1975, sous le pseudonyme de Jicé, dans le Journal de Spirou. Il propose ensuite les voyages temporels de Ronny Jackson, scénarisés par Jean-Marie Brouyère, et deux histoires de « L’Oncle Paul » d’Octave Joly (signées Gil Verse). En 1977, il se tourne vers l’hebdomadaire Tintin avec une série d’histoires authentiques sur des scénarios de Michel de Bom et d’Yves Duval. Épurant son graphisme, il s’attaque en 1980, à un cycle d’histoires courtes sur le thème de la magie et de la sorcellerie qui seront reprises dans l’album « La Tchalette », en 1982. Toujours dans Tintin, il dessine « Isabelle », en 1983, alors que le mensuel (À suivre) publie ses récits fortement régionalistes de « Tendre Violette », réalisés avec l’aide du scénariste Gérard Dewamme. Suivront nombre d’albums, aussi remarquables les uns que les autres, au Lombard (« Les Saisons de la vie »), chez Glénat (« Les Voyages clos »), Jonas (« Iriacynthe »), Casterman (« L’Appel de Madame la Baronne », « L’Almanach », « La Petite Reine »), Helyode (« Pour l’amour de Guenièvre »), et surtout Dupuis, notamment pour la prestigieuse collection Aire libre : voir https://www.dupuis.com/auteurbd/servais/23.

« Le Chalet bleu » par Jean-Claude Servais

Éditions Dupuis (20,95 €) — ISBN 978-1-0347-3140-4

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