Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« L’Institution » : Binet sans les Bidochon…
Pour la grande majorité de ses lecteurs, Christian Binet (né en 1947 à Tulle) est avant tout le créateur des « Bidochon », couple incontournable, caricature féroce de notre quotidien. C’est aussi un auteur qui sait émouvoir lorsqu’il revient sur ses neuf années d’enfance passées dans une institution religieuse qui ne l’ont pas rapproché de Dieu. Une réédition de ce chef d’œuvre d’émotion et d’humour féroce s’imposait.
« Ces neuf années sont les années les plus importantes de ma vie. Ce sont elles qui m’ont façonné, qui m’ont recouvert d’une épaisse couche opaque et résistante au temps. Aujourd’hui, à force de patience et après de nombreux lavages au détergent, le vernis a craqué et ma vraie peau a réapparu ». C’est par ces mots édifiants que Christian Binet fait le bilan des neuf années qu’il a passées dès l’âge de six ans à l’institution Notre-Dame. Pas question pour son père, fervent chrétien, d’envoyer son fils à l’école mixte du village, aux mains d’un maire communiste et où les instituteurs bafouent la religion en glissant des tracts dans les cartables.
Ces neuf années vécues dans un pensionnat catholique rigoureux au lendemain de la guerre sont évoquées par le créateur des « Bidochon » au cours de récits d’une émouvante sincérité. De la rentrée des classes à la célébration de la fin d’année, en passant par les réveils difficiles, la promenade, la remise du courrier, la fête, le pèlerinage… sans oublier les portraits savoureux, parfois cruels, des différents protagonistes (l’Abbé Breuil, SÅ“ur Marie-Claire, Monsieur Roupu, Monsieur Botin, Monsieur Carol, René, le petit Tanié…), Christian Binet propose une vision à la fois implacable et nostalgique de l’éducation religieuse dans la France du début des années 1950. Les récits sont courts, nourris par un texte dense, le style graphique plus rapide qu’à l’habitude, réalisé au feutre, souvent proche du croquis.
Les pages de « L’Institution » ont été publiées en1981 dans le mensuel Fluide glacial, réunies une première fois dans un album par les éditions Audie en 1981, réédité en 1985. Le présent ouvrage proposé en grand format reprend l’ensemble des pages d’origine et la préface en forme de « composition française » écrite à l’époque par l’auteur. Il est complété par un entretien avec Binet réalisé par Gérard Viry-Babel, richement illustré. Cet album autobiographique de 68 pages permet de mieux connaître cet auteur phare de la BD d’aujourd’hui qui, avec la série « Un Jour au musée avec les Bidochon » ou des ouvrages comme celui-ci, prouve avec talent qu’il est plus qu’un simple « comique »
Henri FILIPPINI
Pour en savoir plus sur la carrière de Christian Binet, lire Christian Binet.
« L’Institution « par Christian Binet
Éditions Fluide Glacial (14,90 €) – ISBN : 9782378780364
Un album très fort, à l’époque, Fluide publiait aussi Gimenez, preuve que Gotlib ne cherchait pas l’humour à 100%