Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Calpurnia T1 » par Daphné Collignon, d’après les romans de Jacqueline Kelly
Texas, 1899. Pendant que les hommes de la maison font la sieste, du haut de ses 11 ans, Calpurnia part découvrir le monde qui entoure la maison familiale. Passionnée par l’étude de la faune, elle veut devenir naturaliste alors que sa famille souhaite la cantonner à des cours de savoir-vivre. La jeune fille curieuse va s’affirmer pour trouver sa voie avec l’aide inattendu d’un grand-père taciturne et observateur dans une élégante BD jeunesse, inventive, drôle et intelligemment féministe.
En ce dix-neuvième siècle finissant, la famille Tate habite une belle demeure de maîtres dans un Texas post esclavagiste. Le père dirige une fabrique de coton pendant que son épouse Margareth s’occupe d’une maisonnée de 7 enfants avec quelques domestiques Noirs ou Mexicains. Il y a 6 frères de 3 à 17 ans et, au milieu de la fratrie, âgée de 11 ans, Calpurnia Virginia Tate, que tout le monde appelle alors Callie V., et, j’allais l’oublier, le grand-père, bon-papa qui passe beaucoup de temps entre son laboratoire et sa bibliothèque.
Calpurnia est, jusque-là , une jeune fille sans histoire sauf, sauf qu’elle profite de la sieste obligatoire pour sortir silencieusement de la maison familiale afin de se baigner dans l’eau fraiche de la rivière San Marcos.
Cette anecdote est révélatrice de sa personnalité forte ainsi que d’une certaine maturité pour son jeune âge. Harry, son grand frère adoré, lui a fait cadeau d’un beau carnet pour qu’elle note ses observations scientifiques car elle lui a avoué vouloir devenir naturaliste.
Elle passe ainsi le début de l’été à remplir ce cahier d’annotations et de questions sur la faune proche : la présence de sourcils sur la tête des chiens, des cardinaux – de petits oiseaux – qui se battent entre eux à cause de la sécheresse, la présence de grosses sauterelles jaunes qui semblent supplanter dans les champs alentours les traditionnelles sauterelles vertes. Tiens donc, mais pourquoi ce changement ? Une seule personne peut connaitre la réponse à Fentress ; son énigmatique grand-père.
La jeune fille s’arme de courage pour rentrer dans le laboratoire mystérieux du vétéran de la guerre de Sécession. Pour toute réponse, le vieux chercheur lui demande de mieux chercher et de revenir quand elle saura. Pédagogie active qui permet à Calpurnia d’émettre une hypothèse : et si les sauterelles jaunes vivent plus longtemps car cachées des oiseaux prédateurs par l’herbe jaunie par la sécheresse estivale alors que les sauterelles vertes, bien visibles, sont vite dévorées ?
Grand-papa écoute attentivement cette jeune fille dont il découvre la vivacité d’esprit. Commence alors une belle amitié. Le vieil homme décide de prendre en main l’éducation de sa petite fille en substituant aux manuels de savoir vivre les livres de Darwin.
Calpurnia va très vite élargir le champ de ses observations aux comportements de ses frères, soudain perturbés par des présences féminines. Elle s’en ouvre ainsi à son mentor : « Pourquoi les filles doivent-elles être jolies ? Fans la nature, ce sont pourtant les males qui font des efforts. Comme les colibris, par exemple ? » Pour connaitre la réponse ainsi que les résultats des premières expériences de la petite texane il vous faudra lire le premier volume de ce diptyque annoncé.
Les romans de la série « Calpurnia » de la Néozélandaise Jacqueline Kelly ont connu un grand succès aux éditions « L’École des loisirs ».
Appartenant au même groupe, les éditions Rue de Sèvres ont eu la bonne idée de demander à Daphné Collignon d’adapter le premier titre de la série. L’autrice a réussi un bel amalgame artistique en mêlant bande dessinée, illustrations pleine page et planches naturalistes.
Elle suit pas à pas la démarche scientifique de la jeune fille et la précède dans sa découverte des inégalités sociales et raciales, dans un pays qui a aboli l’esclavage seulement 30 ans auparavant, ainsi que des inégalités liées à son sexe ; aucune étude de science dans son cursus scolaire mais des cours de maintien ou d’usage du dé à coudre.
Daphné Collignon a arrondi son trait et adopté des couleurs légèrement vintages pour décrire la découverte du monde d’une pré-adolescente curieuse et intelligente dont on imagine qu’elle remettra en cause l’ordre établi une fois devenue adulte, au début du XXe siècle.
L’héroïne de ce très bel album est une jeune fille attachante, vive et drôle, qui commence à découvrir le monde hors de la demeure familiale. Il est agréable de l’accompagner dans ses premiers raisonnements scientifiques et dans la démarche humaniste qui lui est insufflée par un grand-père qui aiguille efficacement sa réflexion. Suite des aventures de Calpurnia en bande dessinée au début de l’année 2019.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Calpurnia T1 » par Daphné Collignon, d’après le roman de Jacqueline Kelly
Éditions Rue de Sèvres (14,00 €) – ISBN : 978-2-36981-377-4
« Calpurnia apprentie vétérinaire T2 :  À Saute-mouton » par Jacqueline Kelly, illustrations de Daphné Collignon
Éditions L’École des loisirs (8,50 €) – ISBN : 978-2-21123-456-6