Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Geisha ou Le jeu du shamisen » T2 par Christian Durieux et Christian Perrissin
Il y a un an paraissait le tome 1 de ce diptyque au titre aussi évocateur qu’emblématique, résumant à lui seul la société japonaise. Si le mot est connu, le rôle de ces femmes soumises à bien des égards, à des codes culturels autant qu’aux exigences masculines, l’est beaucoup moins, la confusion étant souvent faite entre geisha et prostituée. Il est vrai que la frontière est très poreuse…
Gilles Ratier a présenté ici-même, en avril 2017, le premier volet, insistant notamment sur les malheurs de cette famille pauvre, quittant sa montagne pour rejoindre une ville portuaire, sorte de terre promise. Les auteurs précisent en note qu’il pourrait s’agir de Yokohama dans les années 1912-1926, à une époque où le Japon s’ouvre et se modernise, ce qui n’est pas le cas de l’univers clos et traditionnel des geishas situé dans le quartier des plaisirs… celui des hommes !
Pour le père alcoolique, l’heure n’est pas à ces plaisirs : la descente aux enfers continue ! Il est victime d’un accident qui le rend unijambiste et mendiant. Sa femme n’a d’autre solution que les ménages, puis la prostitution. La fille, narratrice de cette histoire, est alors vendue par son père à une maison de geishas, où, devenue servante, elle découvre le « shamisen »,  une guitare à trois cordes pour laquelle elle manifeste un certain talent.
Avec ce tome 2, commence pour Setsuko Tsuda sa vraie vie de geisha. Elle a 18 ans et exerce ici et là ses talents artistiques (chanter, danser, jouer de la musique…). Mais les maisons closes proprement dites constituent une concurrence de plus en plus sévère, au point que les geishas sont de plus en plus amenées à coucher avec les clients. Setsuko Tsuda n’échappe pas à ce glissement « professionnel ». Il ne suffit plus d’être élégante, douée, il faut séduire physiquement. Heureusement, pour elle, une carrière d’instrumentiste s’ouvre à elle.
Ce deuxième tome ainsi raconte la vie quotidienne de la jeune femme dans un pays qui évolue et qui s’ouvre aux influences européennes. Les auteurs composent peu à peu une vie faite de plaisirs, de doutes, de difficultés… au point que se marier devient un principe, un but, plutôt que le résultat d’une histoire d’amour. Extrêmement documentée, l’histoire s’ancre à tout instant dans la réalité, jusqu’à l’évocation de ce terrible tremblement de terre de 1923 qui fit 140 000 morts.
Réalisée dans les tons gris, avec finesse et classicisme, les planches de Christian Durieux, restituant notamment l’élégance des décors japonais, fascinent par leur douceur, leur luminosité, même si l’histoire de ce personnage attachant bascule peu à peu dans le drame.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
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« Geisha ou Le jeu du shamisen T2 » par Christian Durieux et Christian Perrissin
Éditions Futuropolis (18 €) – ISBN : 978-2-7548-2285-5