Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« La Cité sans nom T2 : Le Secret du cœur de pierre » par Faith Erin Hicks
La bande dessinée jeunesse peut être dense et complexe et, derrière sa légèreté intrinsèque, le lecteur attentif peut découvrir de belles considérations politiques et sociales. Les 250 pages du deuxième volume de « La Cité sans nom » se lisent sans peine comme un beau et mouvementé roman d’apprentissage. Mais c’est bien plus que cela : une réflexion humaniste et intelligente sur le pouvoir et sur ce qui lie les hommes. À lire dès 10 ans !
Dans le premier volume de la trilogie annoncée « La Cité sans nom », nous avons fait connaissance avec deux jeunes héros intrépides et une ville… sans nom. En effet, ce port à la situation stratégique convoitée est régulièrement envahi par les nations voisines. Chaque nouvel occupant baptise dans sa langue cette cité construite au flanc d’une montagne gigantesque. Sans cesse baptisée et rebaptisée, aucun conquérant n’a jamais pu lui attribuer un nom définitif. Cette cité aux mille noms, aux noms oubliés est ainsi devenue la Cité sans nom !
Les natifs de la ville gardent pour eux leurs secrets. Ils se défient de troupes d’occupation comme celles des Dao.
Ce peuple dirige la ville depuis 30 ans, mais les autochtones savent qu’à terme ils seront vaincus et remplacés par une tribu adverse.
C’est dans ce contexte tendu qu’arrive un jeune Dao. Kaidu doit poursuivre sa formation de soldat dans la citadelle.
Le naïf adolescent, plus attiré par les livres que par les armes, profite de son temps libre pour faire le mur et partir explorer les quartiers animés de la ville basse.
C’est là qu’il fait une surprenante rencontre.
Rate est une jeune orpheline, agile et futée, qui vit dans les rues de la Cité.
Après s’être défiée du candide Kaidu, elle noue une amitié solide avec le jeune garçon, toujours aussi rêveur.
Elle lui apprend notamment à se déplacer rapidement d’un quartier à l’autre en courant sur les toits. C’est ensemble que les deux adolescents déjouent un complot qui visait le général en chef des Dao.
On retrouve ce duo mal assorti dans « Le Secret du cœur de pierre ». Après un repos bien mérité, Kaidu et Rate essayent de favoriser le projet pacifique d’Andren, le père de Kaidu, de création d’un Conseil dans lequel tous les peuples participeraient à la gestion de la Cité.
Une conjuration met fin à cette noble entreprise et les amis doivent s’enfuir d’une Cité où ils sont recherchés par les forces de l’ordre.
Ils se mettent en quête du mystérieux pouvoir oublié des bâtisseurs de la Cité sans nom ; celui qui leur a permis de créer une béance dans la montagne pour que la mer rejoigne la Cité.
Les 250 pages de ce récit d’initiation mouvementé se lisent d’une traite. Il est agréable de suivre les aventures à rebondissements de deux jeunes héros qui apprennent à se connaitre puis à s’apprécier. L’auteure canadienne Faith Erin Hicks double son récit d’apprentissage de pistes de réflexion multiples : – sur la nature du pouvoir, -les liens entre gouvernés et dirigeants, – sur le besoin d’humanisme dans les relations entre les personnes.
Sa démonstration n’est jamais pesante, au contraire, les thématiques développées servent de ressorts à une intrigue prenante et ambitieuse. Le dessin efficace, d’inspiration « comics », et le découpage simple et dynamique de la BD rendent particulièrement lisible une œuvre longue pour de jeunes lecteurs.
Faith Erin Hicks a du talent pour faire vivre une cité de fiction inspirée de la Chine médiévale du XIIIe siècle, celle de la dynastie Yuan qui a développé le commerce par la Route de la soie. L’univers multiculturel de la Cité sans nom doit beaucoup au travail de recherche de l’auteure sur le sujet.
Cette œuvre de longue haleine, ambitieuse et maîtrisée, se terminera dans un troisième volume annoncé pour l’automne 2018 en Amérique de Nord.
Nous patienterons donc encore presque un an pour connaitre la conclusion d’une trilogie ludique et intelligente.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« La Cité sans nom T2 : Le Secret du cœur de pierre » par Faith Erin Hicks
Éditions Rue de Sèvres (16,00 €) – ISBN : 978-2-36981-373-6