Saviez-vous qu’en 1916, à Unicoi (comté de l’État du Tennessee, aux États-Unis), une éléphante prénommée Mary a été condamnée à mort et pendue à une grue pour avoir écrasé la tête du dresseur qui la battait ? Eh oui, en Amérique, à cette époque-là, on ne rigolait pas avec la loi, même en ce qui concernait les animaux à qui ont accordait, suivant la croyance populaire, une conscience morale. La plupart d’entre eux devant alors être exécutés, il y aurait eu, d’après l’excellent narrateur et dessinateur David Ratte (1), des bourreaux assermentés qui devaient parcourir tout le pays pour appliquer la sentence suprême à ces bestioles assassines, à la suite de décisions issues des procédures fédérales. C’était d’ailleurs le métier du jeune Jack Gilet : un type un peu paumé qui aimait tellement les animaux qu’il ne voulait pas qu’on les abatte comme des bêtes…
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« La Route de Tibilissi » par Alex Kosakowski et David Chauvel
Dans le vent et la neige, deux jeunes garçons fuient des miliciens masqués et, sur les conseils de leur père qui vient d’être abattu par plusieurs flèches lors de leur échappée, ils tentent de rejoindre la ville de Tibilissi où leur grand-père les attend. Voilà une épopée héroïque et fantaisiste, aux multiples rebondissements, qui nous permet de découvrir le talent graphique d’un concept artist californien travaillant dans le jeu vidéo et dont c’est la première bande dessinée.
Cet étonnant jeune dessinateur américain a pris, au débotté, la suite de Cyril Pedrosa, puis d’Eric Canete : premiers dessinateurs à être tentés par ce projet avant de déclarer forfait. Le style d’Alex Kosakowski, qui synthétise, avec bonheur, diverses influences mangas, comics et bandes dessinées européennes, convient parfaitement au scénario bien huilé du perfectionniste David Chauvel : d’ailleurs, ça fait dix ans qu’il travaille dessus !
Une fois les poursuivants semés et la tempête calmée, les deux frères décident de repasser par leur village pour y récupérer vivres et équipements. Tout est dévasté, mais ils retrouvent quand même leurs amis : un robot rafistolé et une curieuse bestiole à fourrure, lesquels vont les accompagner dans leur périlleux voyage.
Dans de vastes décors enneigés qu’on a de la peine à bien situer, entre un Moyen Âge imaginaire et un futur apocalyptique, le danger — même s’il est plus suggéré que décrit, malgré la présence de créatures menaçantes et de rencontres désagréables — est omniprésent pour les quatre protagonistes, avant qu’ils puissent atteindre leur but ultime… Heureusement, l’espoir renaît quand ils sont pris en charge par d’autres fuyards en route pour Tibilissi… Mais ces derniers ne sont pas tous persuadés que la paix ou la sécurité les attendent vraiment là-bas…
Au total, près de 180 pages, souvent surprenantes, qui se lisent d’une traite et qui devraient séduire toute sorte de publics ados ou adultes, amateurs de grandes sagas insolites.
Gilles RATIER
« La Route de Tibilissi » par Alex Kosakowski et David Chauvel
Éditions Delcourt (19,99 €) — ISBN 978-2-7560-6231-0
