Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« My Friend Dahmer » : une adaptation cinématographique réussie du roman graphique de Derf Backderf, sur e-cinema.com…
Depuis ce vendredi 2 mars est disponible sur la chaine Internet e-cinema.com l’adaptation cinématographique consacrée au serial Killer Jeffrey Dahmer, surnommé Le cannibale de Milwaukee. Cette adaptation suit avec beaucoup de respect le roman graphique de Derf Backderf, paru en France une première fois en 2013 et propose une immersion assez rare dans le quotidien d’un jeune homme en souffrance amené à devenir un monstre.
En 2008, Derf Backderf, un auteur américain de 49 ans, publie son premier roman graphique « Punk Rock and Trailers Parks » sur la scène punk d’Akron (Ohio) chez Slg publishing. Son style très underground, dans le genre Peter Bagge, donne le ton. Quatre ans plus tard, paraît chez Abrams Comic Arts l’édition augmentée de l’un de ses longs et anciens projets : l’histoire de l’un de ses camarades de classe du lycée. Flashback : En 1992, il réalise que le tueur en série qui vient d’être arrêté pour 17 crimes sur des jeunes hommes depuis 1978, et condamné à 957 ans de prison est Jeffrey Dahmer, le gars bizarre qu’il avait fréquenté durant ses années lycée. Il n’est pas vraiment surpris par la nouvelle, car le jeune homme était vraiment étrange, mais en 1995, Jeff Dahmer est assassiné en prison. L’auteur, qui avait commencé à réunir des dessins et des notes se lance alors dans l’écriture de 24 pages sur ses souvenirs, qu’il auto publiera finalement en 2002 sur label Derfcity Comics, le projet n’intéressant personne (1). Ce n’est que dix ans plus tard finalement, après avoir sortit entre temps son autre album « Trashed », qu’il est remarqué puis édité dans une version augmentée de 200 pages. L’édition que l’on connaît aujourd’hui, rééditée en France chez l’éditeur Seuil, après Çà et là en 2014.
Ce très bon roman graphique a été adapté au cinéma par Mark Meyers l’année dernière (2) avec, entre autres, Ross Lynch dans le rôle de Jeff, et Alex Wolff dans celui de Derf. Il est sorti sur les écrans américains le 3 novembre 2017, mais n’est disponible en France qu’en version Internet, sur le site de streaming e-cinema.com, spécialisé dans les films inédits, depuis ce vendredi 02 mars. C’est une occasion à ne pas manquer.
L’ambiance de ce film, si ce dernier est très fidèle, pourra rappeler tout de même à tous les amateurs de comics d’auteurs celles des Å“uvres dessinées de Charles Burns ou de Daniel Clowes, ou bien aussi celles de « The Summer of Love » de Debbie Drechsler (2004, L’Association) dans ce que celles-ci ont de plus juste à décrire le quotidien de jeunes adultes dans une Amérique profonde péri urbaine. En cela, l’histoire de Jeffrey, dont la maison familiale se situait à l’écart de la ville, à l’orée des bois, explique un peu aussi sa passion pour les animaux écrasés, leur démembrement, et leur dissolution dans des bocaux. Son père, chimiste, avait ceci dit une petite cabane reculée, remplie de produits chimiques, ce qui l’arrangeait bien.
« My Friend Dahmer » déroule un scénario très bien écrit et un genre que l’on avait assez rarement vu jusque là . L’idée du roman de Derf Backderf était en effet de conter les mois qui ont précédé le délire criminel de ce nerd, perdu au milieu d’un lycée où personne ne le prend au sérieux, et surtout confronté à une vie de famille en déliquescence. Si l’auteur n’excuse à aucun moment les comportements déviants, dont l’alcoolisme débridé de son camarade, il dénonce cependant le milieu très spécifique et difficile qui a permis à ce jeune perturbé de laisser libre court à ses pulsions les plus extrêmes. Rien ne nous sera cependant montré et l’histoire s’arrête là où commence le parcours du tueur. C’est toute la force de ce film et de l’oeuvre originale. Les amateurs apprécieront au passage quelques pépites de derrière les fagots d’une bande son rock assez spéciale (on est en 1978 !).
À voir absolument !
Franck GUIGUE
A visionner sur : https://www.e-cinema.com/
(1) La revue anthologique de Fantagraphics, Zero Zero, publia cependant quelques pages réunies par Derf Backderf dans son numéro 18 de l’année 1997.
(2) Un précédent biopic avait été produit en 2002 par David Jacobson, et était paru directement en DVD. Ce film est totalement différent de celui-ci.