Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Hi comics, le nouveau label des éditions Bragelonne démarre en fanfare !
Les éditions Bragelonne, spécialisées dans la littérature fantastique et dans l’heroic fantasy ont déjà marqué le marché de la bande dessinée avec le lancement, en 2008, du label Milady Graphics, d’où sont principalement ressortis du lot l’excellente série « Locke and Key » de Joe Hill et Gabriel Rodriguez et un triptyque de Warren Ellis. Plus d’un an après une absence remarquée en librairie, l’éditeur s’engage à nouveau dans la traduction de comics issus de petits labels, en donnant carte blanche à Sullivan Rouaud, fondateur du réseau Arts ( Comicsblog.fr, SyFantasy.fr, 9emeart..fr) pour piloter le nouveau label Hi comics. Les deux premiers titres à ouvrir le bal, le 24 janvier, ont été : « Rick & Morty », premier recueil de l’adaptation BD de la série TV déjantée américaine, et « The Few », un récit de science fiction apocalyptique de haut vol. Arrêt sur images…
« The Few » est un gros pavé rassemblant les 6 comics d’une série post apocalyptique écrite en 2017 par Sean Lewis (« The Saints » chez Image comics, non traduit) et Hayden Sherman (« John Carter : The End », chez Dynamite, non traduit). Ces deux artistes se sont rencontrés à l’occasion de ce projet et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils font mouche. Le scénario de Sean Lewis propose une sorte de road movie mettant en scène une jeune femme, Edan Hale, en fuite. Celle-ci faisait partie du Palace, une communauté technophile réfugiée dans l’une des dernières villes encore debout, et devait infiltrer les Autres (The Few), mais l’attaque d’une autre tribu sauvage l’a contrainte à changer ses plans. Désormais, elle est dépositaire d’un bébé qu’un mourant lui a confié et la voilà donc mère malgré elle. Disposée malgré tout à se battre quoi qu’il arrive, pour se venger mais aussi expier ses fautes passées, elle va devenir une sorte d’icône auprès des Autres.
« The Few », s’il renvoie par moment à quelques images de scènes de comics (« Winter World » de Jorge Zaffino), de mangas « Akira » (pourquoi pas…) ou de films ( « Mad Max », « The Road »), c’est surtout à « Tokyo Ghost » auquel on pense, tant le trait fin au couteau du jeune Hayden Sherman rappelle celui de Sean Murphy. Quoi qu’il en soit, le talent des deux auteurs est certain, et ceux-ci nous proposent un récit de haute qualité, rempli d’action et brillamment illustré, où les scènes contemplatives dans des paysages enneigés, ainsi que l’émotion, sont cependant aussi au rendez-vous. Une superbepremière mini série.
« Rick et Morty » quant à lui, nous fait virer à 180 degrés avec un recueil des cinq premiers comics inédits en France, adaptés de la série cartoon américaine créée par Dan Harmon et Justin Roiland, diffusée sur France 4 depuis 2015, tous les vendredis soir en deuxième partie de soirée (et sur Netflix depuis 2017, pour la saison 3). Ce dessin animé pour adultes trouve donc là sa version papier, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le rendez-vous est réussi. L’humour en bande dessinée adulte n’est pas si courant que cela et « Rick & Morty » s’avère être un bon antidépresseur, pour peu que l’on ne craigne pas les « burp ! », les gros mots et le grand n’importe quoi.
 Rick Sanchez est un grand père scientifique frappadingue, qui embarque son petit fils Morty dans des aventures et expériences complètement loufoques et spatio-temporelles, à bord d’un petit vaisseau leur permettant de passer d’une dimension à l’autre. Le ton est rapide, provoquant et drôle car toujours saupoudré de l’étrangeté suffisante pour ne pas tomber dans le mauvais goût. En lisant « Rick & Morty », on pensera immanquablement aux séries « marraines » : « Futurama », mais surtout « South Park », pour l’aspect irrévérencieux, tout comme dans le style graphique utilisé. Néanmoins, la série possède sa propre identité et propose un bon coup de fraicheur à tous ceux qui cherchaient à rigoler avec une nouvelle bande dessinée.
Après ces deux titres réussis et prometteurs, confirmant l’ouverture du label pour ne plus dire son hétérogénéité, constat éditorial que l’on avait un peu reproché en sont temps à Milady Graphics, au moins au départ, l’éditeur annonce : « Invisible Republic » (Gabriel Hardman et Corinna Bechko), des inédits des « Tortues Ninja », puis « I Kill Giants », « Maestros » et des rééditions de Milady, dont « Locke and Key » (déjà cinquième réédition pour le tome 1!!), ainsi que la trilogie « Black Summer/No Heros/Supergod » de Warren Ellis.
Gageons que le nouveau directeur de collection, passionné et spécialiste, saura donner à Hi comics une identité, un niveau de qualité et surtout un vrai cap, qui faisait encore un peu défaut à Milady.
Franck GUIGUE
« The Few »par Hayden Sherman et Sean Lewis
Éditions Hi Comics (24,90 €) – ISBN : 978-2811231545
« Rick & Morty » T1 par C J Cannon et Zac Gorman
Éditions Hi Comics (14,90 €) – ISBN : 978-2811229788