Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Petit Vampire T2 : La Maison de la terreur qui fait peur » par Joann Sfar
Pour paraphraser la célèbre chanson d’Alain Souchon : « Il a dix ans, ça fait bientôt 300 ans qu’il a 10 ans, ça fait bizarre mais si tu l’crois pas hé, tar ta gueule à la récré… » 300 ans, c’est en effet l’âge réel de Petit Vampire, mais il a arrêté de grandir à … 10 ans ! Après une parenthèse éditoriale de 12 ans, le sympathique jeune mort-vivant inventé par Joann Sfar revient dans un triptyque d’aventures, de poursuites et de dangers multiples.
De 1999 à 2005, Petit Vampire a vécu sept aventures sous la plume alerte de Joann Sfar. Dans de courtes bandes dessinées d’une trentaine de pages, avec au maximum six cases par planche, le prolifique bédéiste s’adressait alors clairement à de jeunes lecteurs. Ceux-ci pouvaient gaiement s‘épouvanter des jeux d’un jeune vampire sympathique avec Michel, son ami bien vivant.
Il a fallu attendre 2017 pour retrouver tout ce petit monde dans un nouveau triptyque aux éditions Rue de Sèvres. Les trois albums forment une sorte de prequel aux aventures déjà contées. Avec une pagination d’une soixantaine de pages et une mise en cases plus complexe, on dépasse, de loin, les six cases par planche, ces albums s’adressent à un public un peu plus âgé que celui de la première série.
Après avoir découvert comment un petit garçon normal du début du XVIIIe siècle avait été transformé en vampire dans le premier volume du triptyque, « Le Serment des pirates », ce nouvel opus, s’attache aux pas du jeune héros de nos jours. C’est dans une maison du vieil Antibes que vit Petit Vampire avec sa mère, la douce Pandora, son ami, le Capitaine des morts et toute une bande de monstres délurés et morts-vivants farceurs. La villa est cachée du regard des mortels par un voile protecteur, voile qui permet aussi de se protéger de leur ennemi surnaturel : le cruel Gibbous.
Malgré une salle de cinéma spécialisée dans des films d’horreur de la Hammer, des poursuites lors de parties de cache-cache endiablées avec ses amis ; Claude, un crocodile débrouillard, Ophtalmo, monstre joyeux aux trois yeux scrutateurs ou Fantomate, son chien volant sentencieux doté de la parole, Petit Vampire s’ennuie. Il veut retrouver hors de la villa familiale son seul ami, le courageux mortel Michel.
Mais en sortant de ce lieu protégé, il se met danger et il met aussi en danger l’existence de tous ses amis, y compris celle de Michel car il réveille alors des forces obscures qui ne pensent qu’à la vengeance. Les forces du mal dirigées par le Gibbous, un être à l’inquiétant visage en forme croissant de lune, rodent maintenant autour de la Maison de la terreur qui fait peur et surveillent aussi celle où vit Michel avec ses grands-parents. La confrontation est inévitable entre les amis de Petit Vampire et la horde du Gibbous.
Sfar prend de nouveau plaisir à nous raconter des histoires en bande dessinée, à créer des mondes, à se (re)lancer dans de belles et aventureuses épopées. Et on prend de nouveau, en tant que lecteur, beaucoup de plaisir à se laisser porter par les récits fantastiques du conteur niçois.
Après le retour vivifiant en 2017 du Chat du Rabbin dans « La Tour de Bab-el-Oued » c’est Petit Vampire qui se rappelle à notre bon souvenir. Le nouveau triptyque s’attache aux origines du héros et de son amitié avec Michel. Le récit est ample, généreux et inspiré. On y trouve l’envie rafraîchissante, propre à l’enfance, de croire dans la magie et dans des êtres surnaturels.
Sfar, aidé au scénario par Sandrina Jardel, mêle, dans cette saga foisonnante, drôle et tendre ; souvenirs de jeunesse, – la maison de Michel est sise impasse Charles Naudin, Cap d’Antibes, comme celle de ses grands-parents maternels, lieu où l’auteur a grandi heureux dans les années 1970 -, et personnages déjà croisés dans son Å“uvre comme le Gibbous, figure du folklore niçois dessiné en 1995 dans « Le Borgne Gauchet ». Il brasse en les renouvelant les thèmes qui lui sont chers comme la mort, le deuil mais aussi l’amitié, l’amour, les jeux de l’enfance et le droit à la différence.
Après près de 100 albums, trois longs-métrages et une quinzaine de romans et nouvelles, Joann Sfar a conservé le goût de bien raconter des histoires, et c’est tant mieux pour nous. 2018 marque son retour affirmé à la fiction. Sont encore prévues en sorties cette année : deux films qu’il a scénarisés et réalisés ; le long métrage d’animation « Petit Vampire » et « Le Chat du rabbin » en vues réelles avec Christian Clavier dans le rôle du rabbin, ainsi que de nouvelles BD ; le troisième volume de « Petit Vampire » et un album entier, de 150 pages, consacré à Aspirine, l’héroïne de « Grand Vampire ». Programme chargé et réjouissant dont nous vous entretiendrons dans les pages de notre rubrique.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Petit Vampire T2 : La Maison de la terreur qui fait peur » par Joann Sfar
Éditions Rue de Sèvres (13,00 €) – ISBN : 978-2-369-81470-2