Saviez-vous qu’en 1916, à Unicoi (comté de l’État du Tennessee, aux États-Unis), une éléphante prénommée Mary a été condamnée à mort et pendue à une grue pour avoir écrasé la tête du dresseur qui la battait ? Eh oui, en Amérique, à cette époque-là, on ne rigolait pas avec la loi, même en ce qui concernait les animaux à qui ont accordait, suivant la croyance populaire, une conscience morale. La plupart d’entre eux devant alors être exécutés, il y aurait eu, d’après l’excellent narrateur et dessinateur David Ratte (1), des bourreaux assermentés qui devaient parcourir tout le pays pour appliquer la sentence suprême à ces bestioles assassines, à la suite de décisions issues des procédures fédérales. C’était d’ailleurs le métier du jeune Jack Gilet : un type un peu paumé qui aimait tellement les animaux qu’il ne voulait pas qu’on les abatte comme des bêtes…
Lire la suite...« Le Petit Rêve de Georges Frog » par Phicil
Injustement passés inaperçus lors de leur première parution entre 2006 et 2010 aux éditions Carabas, ces quatre récits anthropomorphiques sur le monde du jazz et les années de dépression américaines pendant les années trente trouvent, grâce à ce nouvel écrin en un seul tome concocté au sein de la collection Métamorphose, une nouvelle dimension narrative peut-être plus cohérente, et, on l’espère, un nouveau public !
Georges Rainette, petit étudiant frenchy du conservatoire de musique, décide de consacrer sa vie au jazz — un courant musical alors en pleine émergence —, après avoir assisté à un concert dont il sort plus qu’emballé. Mais les places sont chères dans ce milieu difficile où les projets fumeux et les producteurs peu fiables sont monnaie courante… Ainsi, malgré un travail sérieux et rigoureux, il se rend compte que cette vocation n’est guère lucrative dans une Amérique frappée de plein fouet par la Grande Dépression… Jusqu’à ce que ce pianiste, qui se livre souvent à son instrument qui fait office de psychanalyste, tombe sous le charme d’une nouvelle locataire qui vient d’emménager dans son immeuble, avec son père : hélas, la belle finira par déménager. Tentant de survivre, l’amphibien donne quelques cours d’improvisation et de groove à la cousine saxophoniste de l’un de ses amis : il est, hélas !, incapable de voir les sentiments profonds que cette gentille jeune fille éprouve pour lui…
Entre ambitions musicales, communauté soudée, organisations de Rent Party (concerts minimalistes dans des cours de maisons) et triangle amoureux, cette chronique sociale animalière est d’une fraîcheur et d’une légèreté enthousiasmante. Le dessin de Phicil — Philippe Gillot de son vrai nom —, simple et efficace, est parfaitement maîtrisé et bien mis en valeur par la mise en couleurs aussi nostalgique qu’adéquate de son complice qui signe Drac : tout cela contribue, également, à la bonne humeur swingante ambiante. Belle redécouverte !
« Le Petit Rêve de Georges Frog » par Phicil
Éditions Soleil (27 €) – ISBN : 978-2-302-06323-5