Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Brocéliande T1 : La Fontaine de Barenton » par Bertrand Benoit, Olivier Peru et Élodie Jacquemoire
Premier opus d’une nouvelle série conceptuelle s’intéressant aux légendes celtiques bretonnes sous l’angle du petit peuple, « Brocéliande » illustre les débuts de la fameuse passion entre Merlin et Viviane. Cette romance sylvestre tombe à point pour inspirer le lutin Orignace, contraint par les Korrigans d’écrire un conte dans lequel ils auraient enfin le beau rôle ! Seul souci : les Korrigans sont peu amateurs d’histoires d’amour…
La méthode est éprouvée : avec 4 équipes d’auteurs actuellement chargées de composer les 7 albums programmés pour paraître de manière trimestrielle, la série « Brocéliande » est sur de bons rails. Outre « La Fontaine de Barenton », sont donc initiés « Le Château de Comper » (par Betbeder et Frichet ; parution en septembre), « Le Jardin aux moines » (Jarry et Djief), « Le Tombeau des géants » (Betbeder, Frichet et Seure-Le-Bihan), « Le Miroir aux fées » (Cordurié, Gomès et Scarlet), « Le Val sans retour » (Betbeder et Frichet) et « Le Hêtre du voyageur » (Jarry et Gomès). Naturellement inscrits dans la collection Soleil Celtic, et sur des thématiques similaires, ces titres seront néanmoins à différencier des « Contes de Brocéliande » parus entre 2004 et 2006. Constatons enfin que la matière de Bretagne inspire particulièrement l’éditeur Soleil depuis quelques mois, comme en atteste la parution récente de « Breizh T2 », série qui retrace cette fois l’histoire de cette région du grand ouest armoricain depuis l’époque gallo-romaine.
Cee premier tome de « Brocéliande » (sous-titré « Forêt du petit peuple ») s’illustre en couverture avec un visuel que n’aurait pas renié Pierre Dubois ou le regretté René Hausman : cet autre « Fabulaire » suggère donc que l’écriture légendaire soit elle-même du fait d’une créature issu du Merveilleux. Un lutin (teuz dans la langue bretonne) adopte ici la position du conteur, lui-même hôte de la forêt et observateur d’événements extraordinaires ; à ses côtés, un vol de petites fées rappellera également au lecteur l’ensemble des mythes et légendes associées au lieu – la fontaine de Barenton – visible à l’arrière-plan. Tiran son charme de sa simplicité, cette fontaine ancienne est entourée de pierres, dont une pierre plate est surnommée « le Perron de Merlin ». Parée de vertus miraculeuses, son eau froide (10°C) aurait abreuvée les amours naissantes de la belle fée Viviane et du grand enchanteur Merlin. Vers 1175, Chrétien de Troyes cite également le lieu pour y situer un combat entre « Yvain, le chevalier au lion » et le Chevalier noir. Reliée au cycle arthurien, la fontaine devient un nouveau point de passage entre mythe et réalité : de la légendaire forêt de Brocéliande jusqu’à la bien réelle forêt de Paimpont, il n’y a en définitive qu’un pas…
Devenu l’archétype de l’enchanteur, aussi bien magicien métamorphe que druide, architecte que prophète, savant qu’aventurier, Merlin semble tout savoir alors qu’on en sait nous même très peu sur lui. Probablement inspiré par un ou plusieurs personnages réels (dont le barde gallois Myrddin Wyllt, né vers 540), Merlin devient indissociable du le cycle arthurien. Bâtisseur de Stonehenge, il emploiera ses sortilèges pour permettre la naissance du Roi Arthur et son accession au pouvoir, grâce à l’épreuve de l’épée Excalibur et à la formation de la Table ronde. Conseiller du roi et de ses chevaliers, il prédit le cours des batailles, influe sur leur déroulement et entraîne la quête du Graal. Homme sauvage proche du monde animal, Merlin se retire régulièrement en forêt de Brocéliande pour y rencontrer son scribe et confident Blaise (ou Bleiz, un homme-loup). Son histoire connaît différentes fins selon les auteurs, mais la plus connue demeure celle où il tombe éperdument amoureux de la fée Viviane, à laquelle il enseigne ses secrets de magicien. Cruelle erreur car la belle finira par l’enfermer à jamais dans une grotte ou une prison d’air, en usant de l’un de ses propres sortilèges. Un piège amoureux en quelque sorte, et une histoire si fantastique qu’elle finira par convaincre même un Korrigan ! Riche en détails et enrichi par les belles couleurs d’Élodie Jacquemoire, le dessin de Bertrand Benoit accompagne de très belle manière le scénario non dénué d’ironie de ce premier opus. Les tomes suivants permettront de continuer d’explorer les secrets millénaires du petit peuple…
Philippe TOMBLAINE
« Brocéliande T1 : La Fontaine de Barenton » par Bertrand Benoit, Olivier Peru et Élodie Jacquemoire
Éditions Soleil (14,50 €) – ISBN : 978-2-302-06253-5