Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Chanbara T1 : La Rédemption du samouraï » par Andrea Accardi et Roberto Recchioni
Au Japon, au XVIIe siècle, c’est la fin de la société féodale avec ses seigneurs et ses légendaires samouraïs, parmi lesquels il y a les maîtres et les disciples. Le jeune Tetsuo est l’un d’eux. Son maître vient d’être condamné à mort par son seigneur et, comme il a disparu, c’est à lui, son meilleur élève, de se suicider à sa place ! Heureusement, le seigneur propose à Tetsuo de retrouver le maître pour sauver son honneur…
Chanbara signifie « le combat à l’épée », et c’est, précise Wikipedia, « un genre cinématographique et théâtral japonais de bataille de sabre. Le nom chanbara vient de la contraction des onomatopées chan-chan bara-bara qui désignent le bruit de la lame tranchant la chair. » Cela relie l’histoire à ces maîtres épéistes que sont par définition les samouraïs. Et l’élève en est un digne représentant, comme on le découvre tout au long de son itinérance, d’autant qu’il va rencontrer un petit vieillard rabougri et aveugle, nommé Ichi, sur lequel il va pouvoir compter et qui ajoute un élément touchant, pittoresque et savoureux à ce récit.
Cette histoire, assez classique finalement dans son inspiration, se lit avec beaucoup de plaisir, car les auteurs, italiens, jouent sans complexe avec les codes du genre, mais, surtout, ils dopent leur récit par une réalisation graphique virtuose qui s’appuie d’une part sur un dessinateur ayant autant le sens du mouvement (avec traits cinétiques à foison et onomatopées à l’avenant) que celui de l’immobilité (on reviendra sur les décors) et sur un coloriste qui use de tonalités tout à fait séduisantes.
Les paysages sont en effet d’une étrange beauté, d’une part parce que « La Rédemption du samouraï » est un récit hivernal et que les arbres bleutés se détachant sur les arrière-plans rosés d’un lever de soleil sont joliment attirants, mais il y a chez le dessinateur des effets de trames pointillistes qui donnent des allures fantomatiques à certains paysages.
La séquence où le jeune samouraï traverse son pays, longeant les rizières, s’enfonçant dans les bois, passant sur des ponts typiquement ouvragés (pages 37 à 42), le tout sans un mot, est particulièrement délicieuse à observer. Ailleurs, des champs de blé jaunasses sous des ciels grisés où chemins et collines détrempés par des averses attirent l’œil, retiennent le lecteur.
On l’aura compris, si l’on n’est pas particulièrement adepte des combats genre films de sabre, on aura de toute façon un plaisir immense à parcourir ces contrées japonaises — d’autant plus qu’il ne s’agit là que du premier volet d’une série publiée à l’origine chez l’éditeur italien Bonelli, le deuxième, « Le Massacre des fleurs », est prévu pour septembre – dans les pas d’un personnage attachant…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Chanbara T1 : La Rédemption du samouraï » par Andrea Accardi et Roberto Recchioni
Éditions Nouveau Monde Graphic (19 €) – ISBN : 978-2-36942-545-8