« Snaergard » par Vincent Wagner

Ce n’est pas si souvent qu’on est conviés dans le Grand Nord, dans ces terres imprégnées de sagas mémorables et d’aventures enneigées (snaergard signifie terre de neiges) aux confins de territoires venteux et désolés et de fjords profonds et inquiétants. C’est le cas avec les 168 planches de cette épopée médiévale et norvégienne, superbement dessinée, que Vincent Wagner a également scénarisée…

On est au XIIIe siècle, à une époque où s’imbriquent encore culture et légendes vikings et un christianisme qui impose, petit à petit, ses croyances à des « Hommes du Nord » qui ont compris où était leur intérêt commercial. « Loin » de ce contexte historique, c’est avant tout une histoire familiale douloureuse qui est au cœur du récit : celle d’un fils rebelle qui ne supporte plus la cruauté de son père. Pelle décide donc de quitter le château paternel pour s’en aller découvrir le vaste monde ; l’occasion pour lui de rencontrer Njal qui recherche désespérément sa sœur jumelle Solveig disparue depuis longtemps.

Ces jeunes gens sont dotés d’une énergie insatiable et inépuisable. Ils vont de l’avant, résistent et luttent et doivent affronter un monde fantastique qui fait toute la saveur des mythologies nordiques puisqu’ici même un loup blanc mystérieux — un « varulf » — hante les nuits du héros, et que la sorcellerie a encore des pouvoirs redoutables.

Vincent Wagner s’est parfaitement documenté pour habiller les personnages ou les loger, si bien que son récit pourtant « utopique » (le château d’Eiwind est un mélange de plusieurs châteaux, néanmoins localisé sur une carte en page de garde), allant jusqu’à faire parler un sorcier en vieux norrois : une ancienne langue scandinave et islandaise, ce qu’explique l’auteur dans une préface riche en illustrations.Bien que traité avec de légères couleurs, le travail de Vincent Wagner semble un monde en noir et blanc tant il travaille les contrastes entre les ciels nocturnes et les paysages recouverts de neige, tant il joue de la trame des bouleaux ou des stries, des strates des rochers, tant il s’évertue à glacer les eaux et à dénuder les arbres. Les mondes minéral et végétal semblent figés dans un hiver sans fin sur lequel s’agitent tant bien que mal des individus en quête d’idéal. Rares sont les couleurs « chaleureuses » (quelques intérieurs, des soleils pâlots…) et le froid nous pénètre intensément.Le dessin de Wagner est épais pour les physionomies, mais hachuré pour les décors naturels qu’il sait alléger, simplifier, caricaturer pourrait-on dire : ce qui donne à ses cases un poids et une puissance qu’un usage savamment dosé d’aplats noirs finit de consolider.

À noter que Vincent Wagner dessine aussi pour les enfants des « théâtres d’ombres » étonnants déjà chroniqués sur BDZoom.com, notamment « Cromalin et Cromignonne » (également aux éditions du Long Bec).

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Snaergard » par Vincent Wagner

Éditions du Long Bec (24,50 €) – ISBN : 979-1-0924-9948-3

Galerie

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