Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« La France sur le pouce » par Phicil et Olivier Courtois
On pourrait penser qu’à l’heure de BlaBlaCar et autres méthodes de covoiturage, faire du stop est devenu obsolète. C’est en tout cas probablement moins à la mode qu’autrefois, et ceux qui s’y adonnent ont, du coup, envie de raconter leur expérience. Reste que c’est parce que la vie l’a malmené (couple séparé et démission) qu’Olivier, le héros, se lance dans l’aventure…
À la veille de la quarantaine, Olivier laisse tomber Lyon et une certaine idée du bonheur (mise à mal par les circonstances personnelles) pour aller tester une autre existence, d’autres valeurs aussi. Désormais, il se lance dans une « carrière d’auto-stoppeur » et devient « nomade », rien de moins ! Bon, les débuts sont un peu cafouilleux, laborieux, et c’est le bus qui le sort de la ville ; mais, après, c’est parti vers le Nord.
Les rencontres sont évidemment diverses et souvent surprenantes. Certes, il y a des conducteurs taiseux, des automobilistes pénibles, des gens inquiétants, des individus extrêmement louches, des lunatiques, des dépressifs… mais il y a fort heureusement des compagnies sympathiques et chaleureuses, doublées d’invitations comme ce vieux couple chez lequel Olivier sera invité à dîner et dormir.
L’auto-stoppeur est un accoucheur d’histoires, de tranches de vie, d’états d‘âme, et, au bout du compte, d’une lignée de destins qui composent une société : sans barrières, sans faux-semblants, d’un extrême à l’autre, sans que le passager puisse prévoir ce qu’il va apprécier ou ce qu’il va endurer comme conversations. C’est l’occasion pour l’auteur de s’interroger sur les anciens (les soldats de 14-18 à Verdun ou le cas Rimbaud à Charleville-Mézières) et sur ses contemporains.
Comme le dit le personnage : « Des plus graves aux plus légères, des plus cocasses aux plus douloureuses, des plus drôles aux plus sinistres, j’ai entendu tant d’histoires que j’ai le sentiment de me réincarner tous les kilomètres » au point que l’idée d’arriver au terme de son périple devient, pour lui, inquiétant.
De son dessin tout en fragilité et en simplicité naissent des ambiances, des atmosphères fort bien rendues et certains paysages donnent envie d’aller voir à notre tour, d’autant qu’il est clair que ce voyage « sur le pouce » apprend énormément de choses. D’ailleurs, du côté de Saint-Quentin, l’auteur va jusqu’à inventer une épreuve pour le bac tout à fait originale. Le Tour de France se construit en tout cas peu à peu, étape après étape, les auteurs les complétant de quelques indications historiques sommaires.
Hasard éditorial, l’auto-stoppeur est également au cœur de « Ralentir » : un récit sociétal d’Alexis Horellou et Delphine Le Lay, au Lombard. C’est l’histoire d’un jeune commercial aux dents longues, auquel on vient de proposer une promotion et qui rentre en Bretagne pour le week-end. La jeune femme qu’il prend en stop (il est plutôt contraint par la situation !) est tout le contraire de lui : marginale et sans complexe. Autant dire que leurs conversations et leurs rencontres vont amener David à réfléchir à sa propre vie et aux choix qu’il doit faire. Si la première partie du récit dans l’habitacle de l’auto est un peu statique et répétitif, la suite est beaucoup plus chaleureuse et dynamique, avec des effets chromatiques tout à fait savoureux.
Quitter son territoire, ses racines et surtout ses habitudes, c’est ce qui arrive aussi à Mademoiselle Caroline, l’auteure de « Quitter Paris », chez Delcourt. Pour éviter le burn-out parisien, un couple décide en effet de fuir et d’aller tester ses capacités d’adaptation du côté d’Annecy, mais pas Annecy même, plus loin, plus seuls, dans un village ou plutôt un chalet isolé… Et là , tout est à repenser ! Traitée de façon humoristique, voire parodique, l’expérience du jeune couple est à méditer pour qui, sur un coup de tête (ou un coup de pouce), croit renouer finalement avec la vie rurale !
Alors, bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« La France sur le pouce » par Phicil et Olivier Courtois
Éditions Dargaud (19,99 €) – ISBN : 978-2-2050-7592-2
« Ralentir » par Alexis Horellou et Delphine Le Lay
Éditions Le Lombard (16, 45 €) – ISBN : 978-2-8036-3630-3
« Quitter Paris » par Mademoiselle Caroline
Éditions Delcourt (18, 95 €) – ISBN : 978-2-7560-9599-8