« Cul de Sac » T2 par Richard Thompson

Alors que Richard Thompson nous a quitté prématurément il y a seulement quelques mois, le deuxième volume de l’intégrale VF de « Cul de Sac » est récemment sorti… Cela rend le plaisir de cette lecture quelque peu cruel, et l’on se dit une nouvelle fois que la vie est trop souvent injuste… mais la trace perdure grâce aux éditeurs et aux lecteurs, vieux processus plein d’avenir grâce auquel les Å“uvres traversent les générations et leurs auteurs restent toujours vivants dans la mémoire des gens… Dans son joli format à l’italienne, ce pavé de plus de 350 pages nous propose les strips parus entre le 1er décembre 2008 et le 1er août 2010. Toujours aussi brillants.

En mai dernier, lors de la sortie du premier volume de « Cul de Sac » chez Urban Comics, j’avais fini mon article ainsi : « Alors, bien sûr, et c’est terrible, mais c’est pourtant la réalité, on se doit de parler de l’auteur, Richard Thompson, qui a dû arrêter de dessiner en 2012 à cause de la maladie de Parkinson, rendant impossible l’exercice du dessin dans ce qu’il implique de sérénité physique nécessaire à l’inscription d’un style, de son identité et de son évolution… Peut-être que si l’on invoque la Grande Citrouille, Thompson pourra un jour redessiner ? Ça se tente… En tout cas, on lui souhaite tout le meilleur du monde, et aussi des miracles et de la volonté, et du soutien et de l’amour, car il ne faut jamais désespérer de rien, tout peut arriver, comme dans les bandes dessinées qui ne sont que le reflet de nos vies. » Bien sûr, à l’époque, je ne me doutais pas que Richard Thompson décéderait seulement quelques semaines après, le 27 juillet 2016, suite à des complications dues à sa maladie… Cette belle intégrale VF de « Cul de Sac » se poursuit donc maintenant de manière posthume, ce qui est bien triste…

Bill Watterson, grand admirateur de Richard Thompson et de « Cul de Sac » (wouah, la classe !), avait participé à l’ouvrage collectif « Team Cul de Sac : Cartoonists Draw the Line at Parkinson’s » dont les bénéfices ont été reversés à la fondation de l’acteur Michael J. Fox contre la maladie de Parkinson. Nul doute que le décès de Thompson a dû grandement peiner l’auteur de « Calvin & Hobbes »… On trouvera en introduction la préface que Watterson écrivit pour le premier volume US de cette intégrale, dans laquelle il ne tarit pas d’éloges sur le fond comme sur la forme. Et c’est vrai que – outre l’esprit tout en finesse et efficace de l’auteur – le style graphique de celui-ci est remarquable, ce deuxième volume en est la preuve à d’innombrables reprises. Watterson définit très bien ce style qui réside en un « subtil mélange d’approximation désinvolte, de brouillon grossier et de grâce cartoonesque à l’état pur ». La très drôle préface de Mo Willems confirme tout cela en disant que « Richard Thompson n’est pas l’ami des dessinateurs jaloux ». Car il y a de quoi être jaloux, oh oui… !

On pourrait passer des heures à reluquer telle ou telle case, tel ou tel personnage, et jouir indéfiniment de cette incroyable puissance du trait, à la fois brut et sensible, l’ensemble donnant l’impression que rien n’est figé et que tous les traits sont permis à partir du moment où ils inscrivent quelque chose de la réalité décrite, entre force et nuance, folie et sérieux. Il y a une précision et une liberté dingues, ici, ce qui n’est pas le moindre des mariages difficiles… Moi qui déteste les bagnoles, je ne peux que rester pantois d’admiration et ressentir un profond plaisir devant les automobiles de Thompson, véhicules-jouets où le conducteur est contorsionné pour pouvoir y entrer, se renversant ou tournoyant au moindre mouvement ; leur design aux proportions fantasmées sont de pures merveilles visuelles. Dans ce deuxième tome, on sent que Thompson – qui pourtant semble très vigilant quant au cadre de cette Å“uvre – s’autorise un peu plus de fantaisie, avec des cases parfois plus grandes, ou bien de plus en plus de représentations de l’imaginaire des enfants.

Le seul petit regret est que Thompson ait abandonné l’aquarelle des débuts en ce qui concerne les strips du dimanche (couleurs numériques dès septembre 2007), mais bon, ses strips en noir et blanc sont si puissants graphiquement et émotionnellement ! C’est si beau ! « Cul de Sac » est assurément l’un des grands comic strips américains modernes, à l’instar de « Calvin & Hobbes » et de « Mutts ». À découvrir d’urgence si ce n’est déjà fait, car le strip est un art tombé en désuétude et dont les joyaux se sont raréfiés… mais des Å“uvres comme « Cul de Sac » confirment que le genre n’est pas mort, loin de là…

Cecil McKINLEY

« Cul de Sac » T2 par Richard Thompson

Éditions Urban Comics (22,50€) – ISBN : 978-2-3657-7922-7

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