« Sherlock » T1 par Steven Moffat, Mark Gatiss et Jay

Sherlock Holmes est un personnage incontournable de la culture populaire. Ses aventures ont fait la joie des amateurs de littérature policière depuis sa création en 1887 par Sir Arthur Conan Doyle. Sa première aventure : « Une étude en rouge » a, pour l’adaptation contemporaine du célèbre détective en série télévisuel, été renommée « Une étude en rose ». C’est ce feuilleton présentant un Sherlock nouvelle version qui est aujourd’hui adaptée en manga et de manière extrêmement réaliste par le studio japonais de Jay..

Les aventures de Scherlock Holmes se déroulent dans le Londres contemporain de son créateur. Plus de 200 adaptations au cinéma ou à la télévision l’ont replacé dans ce contexte aujourd’hui daté. Les créateurs, Steven Moffat et Mark Gatiss, ont donc décidé de se lancer dans la modernisation du personnage en lui faisant vivre des aventures dans notre monde moderne. Les SMS se substituent aux télégrammes, les taxis remplacent les fiacres à chevaux et le docteur Watson, célèbre acolyte du détective, revient d’Afghanistan. Il en résulte une excellente série télé diffusée depuis 2010 sur la BBC One avec dans le rôle de Sherlock Benedict Cumberbatch et celui de Watson Martin Freeman. Le manga que publie Kurosawa est une adaptation extrêmement réaliste du premier épisode de la série. La trame générale est là, l’ordre des scènes est à peu près respecté et les traits de chaque protagoniste criant de vérité.

Tout commence par un meurtre mystérieux. La femme d’un homme, bien sous tout rapport donne une conférence de presse où elle affirme que son mari ne peut en aucun cas s’être suicidé. La police est sur les dents. De son côté, le Dr Watson est toujours en proie à des cauchemars suite à son retour d’Afghanistan. Déambulant dans le parc de l’hôpital, il y rencontre fortuitement un ancien camarade. Ensemble, ils descendent à la morgue où ils trouvent un personnage bien singulier : Scherlock. Ce dernier ne peut s’empêcher d’analyser en détail ce Docteur qui souffre intérieurement, c’est une approche bien directe pour une première rencontre. Cherchant un colocataire Scherlock propose immédiatement à Watson de partager son appartement, chacun pensant qu’il leur est impossible de cohabiter ; l’avenir nous prouvera qu’ils forment finalement un duo insolite, mais unique en son genre.

Bien sûr, ce manga se base sur le feuilleton télé qui lui même s’inspire des écrits de Conan Doyle. Néanmoins, cette première aventure est loin de suivre la trame de l’histoire originale (« Une étude en rouge »). Jefferson Hope devient un conducteur de taxis désÅ“uvré et il n’est plus question de secte mormone. L’action n’est d’ailleurs pas centrée sur ce personnage, mais bien sur le travail d’enquêteur de Sherlock ; alors que, chez Conan Doyle, ce détective et son acolyte de docteur n’apparaissent que brièvement au début et à la fin de l’histoire. L’écrivain n’avait pas encore imaginé qu’ils deviendraient les héros récurents d’une des plus grandes sagas du roman policier. Il faut dire qu’a l’époque, les déductions de Holmes tranchent avec les méthodes des policiers cherchant avant tout à obtenir des aveux. Si, aujourd’hui, le travail de la police scientifique est monnaie courante, les scénaristes ont su exploiter l’esprit de déduction qui a fait la renommée de l’œuvre. Sherlock ne se contente pas des détails relevés par la police. Ces évidences ne sont souvent pas suffisantes pour comprendre une scène de crime et la psychologie des criminels. Il arrive à des déductions surprenantes en étudiant simplement les vêtements, les parfums, les marques de bronzage ou de salissure. Un admirable travail scénaristique replaçant à la perfection le personnage dans notre monde moderne, bien évidemment conservé dans cette version manga.

Côté graphisme, Jay a fait un travail remarquable en adaptant la physionomie si caractéristique de chaque personnage de la série. Bien sûr, certain traits sont exagérés et certaines scènes remaniées, mais c’est aussi ça le travail d’un artiste : ne pas simplement décalquer ce qui existe à l’écran, mais l’adapter pour fluidifier la lecture. On est loin du manga traditionnel avec ses personnages stéréotypés ; mais l’amateur de la série originale retrouvera immédiatement ses marques. En revanche, il est clair que les dialogues ont été traduits du japonais, lui-même traduit de l’anglais. On ne retrouve donc pas forcément le texte français présent dans la série télé. Toutefois, le traducteur Fabien Nabhan et l’adaptateur Fabien Vautrin ont fait un excellent travail qui colle parfaitement au rythme de la lecture papier. La seule barrière qu’il restera à lever pour le fan venant de la télévision sera de lire dans le sens japonais : celui-ci ayant été gardé, même si cela déstabilise encore beaucoup de lecteurs. Les amoureux des mangas de leur côté seront ravis, car une inversion des pages dénature forcément le travail graphique.

Fidèle adaptation de la série télévisuelle, ce manga risque de devenir le livre de chevet de beaucoup de passionnés du locataire du 221B Baker Street. La seule chose que l’on ne retrouve pas dans ce livre, c’est forcément l’accent So British des protagonistes.

Gwenaël JACQUET

« Sherlock » T1 par Steven Moffat, Mark Gatiss et Jay
Éditions Kurokawa (12,60 €) ISBN : 978-2-368-52438-1

©2010 Hartswood Films All Rights Reserved.
©Jay. 2013 / KADOKAWA CORPORATION, Tokyo.

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