Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...« Hellboy en enfer T2 : La Carte de la mort » par Mike Mignola
Au printemps 2014, je vous avais parlé ici même de ce nouvel arc si particulier des aventures de Hellboy, marquant à la foi la mort du héros et le retour à la table à dessin de son créateur, le grand Mike Mignola… Un retour et une réussite, mais il fallait bien se douter que ce retour de MM se ferait plus avec parcimonie qu’avec hystérie… C’est bien le cas, puisqu’il a fallu attendre deux ans et demi pour lire la suite de ces épisodes ultimes ! Aaargh ! Quand on aime on ne compte pas, mais tout de même, ça a mis la patience des fans à très très rude épreuve… ! Un véritable… enfer ! Mais comment lui en vouloir ? En effet, avec ce second tome se clôt l’existence de son personnage fétiche, fin d’un diptyque significatif et adieu à sa créature… La fin de Hellboy ? Pas facile à aborder, mais nécessité pour son auteur de graver ces derniers moments dans le marbre du papier…
Afin de mieux comprendre de quoi il est question aujourd’hui, je vous invite instamment à cliquer sur le lien suivant afin de lire l’article que j’avais consacré au tome 1 : http://bdzoom.com/?p=73871. Voilà, c’est fait ? Maintenant que vous êtes au jus, embarquons pour la fin de l’aventure… Au-delà des vingt-septièmes terres du vingt-septième royaume, un chat, un rapace et une grenouille s’interrogent avec stupeur autour de la Baba Yaga : Hellboy serait-il vraiment mort ? Eh oui, chères bestioles de l’ombre… Tué par une sorcière changée en dragon, Hellboy a été envoyé en enfer où il n’a pas perdu de temps, c’est le moins qu’on puisse dire, puisqu’il a tranché la gorge de Satan. Rien que ça. Et après on s’étonne qu’il ait des problèmes… Quoi qu’il en soit, notre héros doit se faire à cette nouvelle « existence » qui lui permettrait peut-être de repartir à zéro. Mais est-ce vraiment possible ? Hellboy a de sacrés doutes à ce sujet… et mine de rien, il a déjà mis un sacré bazar en enfer… !
L’errance de Hellboy en enfer se traduit par une succession de rencontres étranges et cocasses qui – de manière plus ou moins explicite ou symbolique – expriment des strates du personnage et de son univers sans forcer dans le jeu de piste pour aficionados. Dans ce deuxième opus, après une discussion avec des pseudo-cartographes de l’enfer, notre défunt va être provoqué par le Vampire de Prague, rencontrer le pasteur des damnés ainsi que d’obscurs médecins, dont le Dr Hoffmann, contempler l’Arbre-Monde qui se meurt, mais il sera aussi accusé de meurtre familial par sa propre demi-sœur et taraudé par son ancienne épouse mexicaine… Gasp. Même mort, Hellboy n’est pas tranquille… À ce point du récit, seul le château de Belzébuth semble pouvoir protéger les derniers princes de l’enfer : nous sommes bien à la fin d’un monde, à la fin des mondes… et peut-être que la fin d’Hellboy signifie aussi celle de l’enfer. Mais quelle qu’en soit l’issue, cet ultime voyage infernal est de bout en bout une pure merveille visuelle.
Tout ce que j’ai dit au niveau graphique et esthétique sur le premier tome vaut pour ce second opus, Mignola faisant montre d’une superbe ascèse dans le trait et d’une intention dans l’épure générant de magnifiques spectacles visuels. Ses schématisations sensibles, intrinsèquement puissantes, se retrouvent transcendées par la redoutable mise en couleurs de Dave Stewart qui allie couleurs franches et rabattues dans des atmosphères impressionnantes. Dès les premières planches, on est admiratifs de ce talent si particulier qui donne vie et parole aux animaux et démons dans une véracité confondante. L’épure de Mignola pourrait dangereusement nous éloigner de l’humain et du sensible mais il n’en est rien, au contraire : la frontalité de ce qui est représenté fait écho à tous nos ressentis quant à nos croyances archaïques, nous touchant aussi en plein cœur.
Nul doute que dans le futur Mignola et ses acolytes exploreront des épisodes cachés de la vie d’Hellboy, mais cette fin reste bien évidemment un jalon remarquable et remarqué, mettant un point final à un univers en constante et incroyable expansion sans que cela ferme le champ des possibles antérieurs. Non pas une impasse mais le signe évident qu’Hellboy doive mourir un jour, qu’il n’appartient pas à cette lignée légendaire des héros éternels… À ce propos, dans sa postface, Mignola nous fait part de son « désarroi » à constater combien il est possible ou non de tuer un personnage de bande dessinée. Pour Hellboy, apparemment, c’est pas gagné ! Mais il faudra bien que les fans acceptent un jour que le garçon de l’enfer a bel et bien péri là où il était né… Un superbe diptyque tout à fait fondamental pour tout fan d’Hellboy, vous l’aurez compris… !
Cecil McKINLEY
« Hellboy en enfer T2 : La Carte de la mort » par Mike Mignola
Éditions Delcourt (15,95€) – ISBN : 978-2-7560-6983-8