Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Deux facettes irrésistibles de Philippe Bercovici !
La BD reportage, chère à La Revue dessinée, est de plus en plus présente dans le paysage BD. Une nouvelle génération d’auteurs, souvent plus proches de la caricature que de la bande dessinée classique, occupe ce secteur où le convenu côtoie le sublime. Peu de dessinateurs des générations passées abordent ce domaine, et les quelques téméraires qui s’y risquent ont du mal a s’imposer. Il en est un qui a franchi le pas, sans complexe, avec une facilité déconcertante : Philippe Bercovici.
Découvert à l’âge de 13 ans par Raoul Cauvin, il a été longtemps catalogué comme dessinateur gros nez avec la création de nombreuses séries humoristiques, dont les fameuses « Femmes en blanc ».
Bénéficiant d’une remarquable force de travail, du « Cactus Club » à « Et Dieu créa Ève », en passant par « Le Boss », « Panic-Circus », « Yann et Julie », « Léonid et Spoutnika », « Maison avec jardin »…
il sublime le genre depuis plus de trente ans. Et voilà qu’il aborde depuis quelques années la BD reportage avec une série d’albums consacrés à la politique, aux sports, aux vins… où la force de son trait et son sens inné de l’humour font merveille. « Robert Parker », « La Romanée contée », « Ahmadinejad atomisé », « Ben Laden dévoilé », « Paris vaut bien un cheikh » ou encore « Le Dico Vino » révèlent un nouveau dessinateur aussi à l’aise dans la caricature que dans le gros nez et qui soigne particulièrement ses décors.
Ce mois-ci, Philippe Bercovici comble à la fois les amateurs d’humour classique et ceux de BD reportage avec la publication de deux albums témoignant de son appétit de dessiner toujours intact et de son aisance dans les deux domaines.
— « Les Entreprises libérées » est un ouvrage à la fois très sérieux et très drôle consacré à l’entreprise du futur. Ou comment réconcilier travail et épanouissement des collaborateurs ? Un concept né aux États-Unis dont Benoist Simmat (journaliste économique, scénariste pour Bercovici de « Robert Parker » ou de « La Gauche bling-bling » et de « La Ligue des économistes extraordinaires » avec Vincent Caut) évoque cette nouvelle philosophie à travers des entreprises aussi fameuses que Michelin, Kiabi ou Imatech. Nous sommes loin de l’humour franco-belge des « Femmes en blanc », mais le dessin précis et néanmoins léger de Philippe Bercovici parvient à faire digérer des pavés de textes très érudits qui se révèlent passionnants. Une préface signée Issac Getz, docteur en psychologie et en management, cautionne le sérieux de cet album néanmoins destiné à un lectorat pour curieux.
Album cartonné de 76 pages en couleurs, publié par Les Arènes BD (15 €).
— « Bière pour tout le monde ! ou presque… » : un album de 48 pages en couleurs – édité par Fluide glacial (10,95 €) — qui permet, aux lecteurs de la première heure, de retrouver le Bercovicci qu’ils apprécient, le maître du gros nez et de l’humour dessiné sans complexe.
« Le premier jour, Dieu créa le houblon, le deuxième, il créa la gueule de bois » : c’est ainsi que débute cet album de strips, de gags et d’histoires courtes imaginés par Jean-Michel Thiriet.
De quoi s’offrir une bonne pinte d’humour concoctée par deux birologues émérites dont le seul but est de nous faire rire sans complexe ni second degré. Mission réussie.
 Henri FILIPPINI