Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
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Loin de l’univers de sa série légère « Les Filles », aujourd’hui publiées chez le même éditeur, Christopher signe, en ce mois d’octobre, un album qui risque de marquer les esprits. Sur fond de bande originale très rock, Ulysse, le protagoniste, va faire un long voyage sur les traces d’un père qu’il ne connaît pas et qu’il vient d’enterrer. Un long et bon moment de lecture pour ce one-shot de 180 pages publié chez Dimitri Kennes ! Mais laissons Christopher, lui-même, nous en dire plus…
BDzoom.com Un nouvel album et encore une playlist en anglais… Il faut que ça change…
Christopher Pourquoi ?
BDzoom.com Avec cet album, tout comme « Love Song », on s’éloigne de l’univers des filles avec une histoire beaucoup plus sombre. Besoin d’alternance ?
Christopher Je ne pense pas que cet album soit plus sombre. Plus intimiste, certainement. « Les Filles » et ces one shot sont différents. Plus qu’une alternance, une complémentarité, même si je me reconnais plus dans « Love Song » et « TLAWR ».
BDzoom.com Un album musical, un passage à Sète, et pas de référence à Brassens…
Christopher Non, parce qu’un ado, en 1970, n’en avait pas grand-chose à faire de la musique de ses parents. Et Brassens n’a surtout été rattaché à Sète qu’une fois mort. Il ne faut pas oublier qu’il était très décrié. Il n’était pas du tout in pour la jeunesse de 1970 et ce n’est pas le sujet de « TLAWR ». L’album raconte le cheminement d’un homme perdu dans sa crise de la quarantaine à la recherche de son père.
BDzoom.com Tu débutes ton récit par l’enterrement du père de ton personnage principal qui devient orphelin à la quarantaine. Orphelin, c’est le mot qu’il emploie. On sent du désarroi. Quelle est la part d’autobiographie dans ce récit ?
Christopher Elle est forcément très présente. Réussir à mettre des mots sur un sentiment personnel, même si c’est un sujet universel, reste un exercice casse-gueule parce qu’il faut réussir à le synthétiser, à l’analyser pour en ressortir l’essence même. Exercice où l’on peut très rapidement devenir barbant et plat.
BDzoom.com Aix, Tours, ce sont des villes que tu connais bien ?
Christopher Forcément, comme l’île de Wight, La Rochelle, Le Mans… On ne parle que de ce que l’on connaît bien.
BDzoom.com Tu fais dire à ton personnage qu’il a beaucoup de mauvais souvenirs à Tours, une ville où tu as longtemps vécu. C’est ton personnage ou Christo qui parle ?
Christopher C’est le personnage. Forcément, il y a de moi, mais à ce moment, le récit qui se passe à Tours pourrait se passer n’importe où. Sauf que dans mon odyssée, ça arrive à ce moment-là du récit. À Tours, j’y ai vécu 10 ans. Il y a de mauvais moments, mais il y a, heureusement, beaucoup de bons moments. Entre les amis que j’y ai et l’essor de ma carrière professionnelle, je ne peux pas dire que j’y étais malheureux, bien au contraire.
BDzoom.com D’où t’es venu ce personnage de comtesse à la panthère ? Une expérience personnelle ?
Christopher Pas du tout ! Ha ! Ha ! Je suis simplement « L’Odyssée » d’Homère version XXIe siècle
BDzoom.com Peux-tu nous évoquer la genèse de ce récit ?
Christopher Le point de départ est la citation mise en ouverture de l’album. Après j’ai fait un mixte entre mes envies personnelles (le road-movie, la musique), « L’Odyssée » d’Homère, les trois vieux et l’envie de raconter le sentiment de frustration lorsqu’un proche disparaît et toute son histoire avec lui. On se sent orphelin.
BDzoom.com Si tu étais né un peu plus tôt, tu te serais rendu au concert de Wight ?
Christopher Je n’en sais rien. Je ne pense pas que mes parents m’auraient laissé y aller si j’étais mineur…
BDzoom.com Dans cette histoire, tous les personnages semblent victimes de leur destin. Il n’y a pas de libre arbitre selon toi ?
Christopher Au contraire. Le libre arbitre est présent tout au long de l’album ! Des petits vieux, au choix de vie du père, à la tante, Lady ou même Ulysse, chacun a mené sa vie comme il l’entendait.
BDzoom.com Comment s’est fait le choix de Rubén ?
Christopher Quand un dessinateur tel que Rubén a envie de travailler avec vous, ça ne se refuse pas !
BDzoom.com Comment vous êtes-vous rencontré ?
Christopher Au Salon du livre du Mans, il y a une dizaine d’années. Il a aimé ma série « Love Song ». On a sympathisé (et même beaucoup rigolé) et depuis on a eu envie de travailler ensemble. Je lui ai proposé ce scénario qu’initialement j’avais prévu pour moi. Un 200 pages, ça peut faire peur, mais Rubén avait envie d’un tel challenge. Forcément, j’avais la chance qu’un des plus grands dessinateurs aime mon travail, je n’allais pas refuser une telle opportunité ! Il a avoué ne s’être jamais autant remis en question sur une BD (même « Corto Maltese » est plus simple pour lui). Cela m’a énormément flatté.
BDzoom.com Comment avez-vous travaillé ?
Christopher Je lui ai fourni tout le découpage, les caractères des personnages, et le scénario de la moitié de l’album. Il a commencé à faire ses recherches il y a quatre ans. Il est allé tellement loin dans la personnalité des trois petits vieux par exemple que j’ai réécrit certains dialogues afin de les rendre plus forts encore. Puis, j’ai fini tout le scénario et tous les mois, pendant trois ans, j’ai reçu mes dix pages de l’album. Un vrai régal ! Je recevais les planches, jamais je ne les aurais mises en page comme ça, mais c’était extraordinaire ! Il réussissait à me surprendre à chaque fois. C’est un grand professionnel qui a réfléchi dès le départ au découpage entier, à la couleur, à une architecture narrative qui met en avant la lecture et le récit. À partir de là, je n’ai cessé d’améliorer mes dialogues pour qu’ils soient le plus fluides possible.