Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Black Hammer » : juste une autre histoire de Jeff Lemire ?
Une nouvelle série de l’auteur canadien Jeff Lemire est toujours reçue avec attention et plaisir, tant il est vrai que ses précédents albums sont remarquables par leur originalité.
« Black Hammer » est un nouveau titre étonnant et prometteur, actuellement en cours de publication aux USA, chez Dark Horse, depuis juillet 2016.
 D’abord repéré comme auteur complet avec les one shot « Mister Nobody » (chez Panini comics) et « Essex County » (chez Futuropolis) parus coup sur coup en 2010 en France, Jeff Lemire occupe, depuis, l’espace éditorial de manière stakhanoviste comme scénariste, avec une pelleté de comics à caractère alternatif, surfant entre fantastique et science-fiction, dessinés par lui ou d’autres, et traduits à partir d’éditeurs aussi variés que Dark Horse, DC (« Swamp Thing » ou « Animal Man », voir Last news from comics), Marvel (« All New Wolverine »), Images (« Descender », voir « Descender T1 : Étoiles de métal » par Dustin Nguyen et Jeff Lemire), mais aussi Valiant (« Bloodshot Reborn » et « The Valiant », entre autres).
« Sweeth Toth » (deux tomes de plus de 250 pages déjà parus chez Urban Comics, sur quatre, voir Et pour quelques comics de plus…) l’a encore davantage révélé, et il est de nouveau dans l’actualité depuis cet été avec ce nouveau titre de science-fiction décalé. (1)
Black Hammer est le nom d’un ex-super-héros —alias Joseph Weber —, qui faisait partie d’une bande d’amis aux pouvoirs surhumains : Barbalien (un martien au long corps d’apparence un peu végétal, façon Groot), Colonel Weird (un « héros de l’espace » volant, devenu vieux et un peu fou), Golden Gail (une sorte de jeune fille Shazam qui a perdu ses pouvoirs et est coincée dans un corps de gamine de neuf ans), Lady Dragonfly (une sorte de sorcière bienveillante)et Abraham Slam (le patriarche et leur mentor). Ils ont défendu les habitants de Spiral City de diverses invasions, lors d’un Golden Age qui pourrait ressembler aux années cinquante américaines. Mais, un jour, après la mort —semble-t-il —de Black Hammer dans un combat fatal où il sauva ses amis, ils ont disparu.
On les retrouve en début d’histoire dans une ferme, perdusdans un trou campagnard, relié pourtant à une petite vile où ils se rendent de temps en temps, déguisés pour faire des courses (ou aller à l’école pour Gail). Et ceux-ci s’interrogent sur leur passé glorieux et la perte de certains de leurs pouvoirs…
Mais un autre détail étrange titille les lecteurs que nous sommes : Talky Walky, un curieux robot faisant partie de leur communauté, s’évertue à fabriquer depuis dix ans des prototypes de satellites qu’il lance hors de l’atmosphère d’où ils se trouvent, afin d’obtenir un sauvetage et les aider à tous à sortir d’où ils sont, comme si cette campagne était une sorte de monde parallèle, une sorte de prison (voir le titre du premier volume : « Lost in Mystery Farm »). En fin de deuxième volume, il semble que son sixième essai, sortant d’un genre de portail dans l’espace, et se dirigeant vers la terre, nous donne un début d’hypothèse…
« Black Hammer » possède tous les éléments du bon récit de comics SF, tel que Jeff Lemire a pu nous en proposer déjà sur des titres comme : « Descender » ou « Trillium », avec, il est vrai cette fois, une touche mêlée d’« Astro City » (2) (des super-héros sur le retour) et de « BPRD », au moins au niveau de l’apparence de cette bande de super-héros de seconde zone quelque peu bizarres. Talki-Walki ou Colonel Weird renvoyant par exemple, carrément, au Johan Krauss de la fameuse série parallèle de Mike Mignola.
Des références déjà basées sur un aspect vintage qui plaît tellement à l’auteur qu’il réalise, lui-même, les couvertures alternatives, pourtant déjà bien typées 50′s lorsqu’elles sont réalisées par Dean Ormston. Un aspect graphique très sympathique qui participe à l’attrait de la série.
Il n’y a cependant pas de grandes prétentions, autres que du divertissement, dans ce comics, qui a démarré doucement chez Dark Horse au mois de juillet (toujours pas de courrier de lecteurs dans le 2ème opus).
Mais nul doute que le talent et l’opiniâtreté de son scénariste, ajouté à la qualité du style graphique « à l’ancienne » (un peu à la Lemire d’ailleurs) de Dean Orsmton, qu’on avait déjà pu apprécier, entre autres sur le récit « Lindisfarme » dans « Northlanders » T1 (Urban Comics), et le suspens laissé par la dernière page de ce deuxième tome, peuvent être lus comme une promesse d’un futur comics culte. À suivre de près…
Franck GUIGUE
(1) À lire : « Comment l’auteur Jeff Lemire peut-il travailler sur huit comics en même temps ? », l’explication est sur son blog (en anglais) :
http://jefflemire.blogspot.fr/2016/08/on-time-management-and-process.html
(2) Astro City est une série de comics, créée en 1995 aux USA par Kurt Busiek, Brent Anderson et Alex Ross, qui a bénéficié d’une publication en France limitée chez Semic, de 1999 à 2000 pour ses premiers épisodes. Elle est introuvable en français depuis.
« Black Hammer » T1 & 2 (sur 6) par Jeff Lemire, Dean Ormston et Dave Stewart
Éditions Dark Horse comics (USA)