Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« La Déconfiture T1 : Première Partie » par Pascal Rabaté
Après les divertissantes études de mœurs qu’étaient ses scénarios écrits dernièrement pour David Prudhomme, Sébastien Gnaedig ou Simon Hureau, le responsable de la sublime adaptation du roman « Ibicus » revient au dessin (et quel dessin !) pour nous conter la débâcle de juin 1940, pendant la Deuxième Guerre mondiale, dans un diptyque qui s’annonce une fois de plus incontournable : comme toutes les bandes dessinées de Pascal Rabaté !
L’armée française, pourtant considérée alors comme l’une des plus puissantes du monde, ne peut contenir la puissance retrouvée de l’Allemagne nazie. En cinq semaines, l’avancée allemande en France entraîne la désintégration de l’armée et une gigantesque panique dans la population. C’est le chaos : six millions de personnes s’enfuient sur les routes avec de maigres bagages et une grande partie des soldats français perdent leur régiment à la suite de la confusion générale.
Passant habilement de la comédie au drame – et vice versa —, l’auteur des « Petits Ruisseaux » met justement en scène un jeune bidasse motocycliste perdu dans cette guerre dépourvue de sens. Laissé à l’arrière pour surveiller les corps de ses camarades décédés en attendant l’arrivée du corbillard de l’armée, il décide ensuite de partir à la recherche de son unité. En quelques jours, entre errances, avaries mécaniques et rencontres croquignolesques, il voit tous les repères du pays s’écrouler, devant l’ampleur de la défaite annoncée.
Rabaté démontre ici, une fois de plus qu’il est un fin narrateur et qu’il sait se documenter au mieux pour rendre crédible son histoire, mais, surtout, qu’il est aussi l’un de nos plus remarquables dessinateurs : il use avec maîtrise et subtilité du noir et du gris, tout en affinant son trait – de moins en moins caricatural —, pour mieux nous faire sentir la pesanteur et l’absurdité de l’atmosphère d’une époque désemparée par les montées des extrêmes : époque qui n’est peut-être pas si éloignée que ça de celle que l’on vit aujourd’hui…
Gilles RATIER
« La Déconfiture T1 : Première Partie » par Pascal Rabaté
Éditions Futuropolis (19 €) – ISBN : 978-2-7548-1691-5