« Bienvenu chez Protect » T1 par Miso Suzuki

Voilà un livre original qui parle de la mort du manga, tel qu’il est distribué aujourd’hui. Le papier est obsolète : vive la dématérialisation et le livre numérique. Mais est-ce si simple ? Est-ce obligatoire de passer d’un système à un autre ? Le public est-il prêt ? Est-ce surtout viable maintenant ? Tant de question, qui sont développés au fil de cette histoire iconoclaste.

Comme il est de coutume dans nos sociétés modernes, les lycéens doivent dorénavant effectuer un stage. Le Japon n’échappe pas à la règle. Voici donc la jeune Nanami Konami propulsée dans le monde de l’entreprise. Élève brillante, son professeur lui recommande de mettre son talent à profit dans une entreprise à sa hauteur, au lieu de perdre son temps dans une simple pharmacie à faire plus de vente que de marketing. Elle est censée se rendre chez un consultant de génie qui est loin de se comporter de manière décente. Dès son arrivée, elle est accueillie par une loque dormant à même le sol. Cet être singulier, Jingoro Yamada, PDG de la société Protect, peut se transformer en quelque seconde en un orateur hors pair capable de vendre l’invendable. La jeune stagiaire est immédiatement mise dans le bain : une maison d’édition venant au cabine souhaite développer une stratégie numérique pour ses livres. Puis, vient la rencontre avec un jeune mangaka en déclin. Il faut tout le talent d’orateur de Jingoro pour le convertir à l’autopublication numérique. Cet artiste sans-le-sou n’est autre que l’auteur de ce manga, lequel met en scène sa propre expérience. Et on peut dire, au vu des chiffres annoncés, qu’elle est fructueuse.

Plus qu’une immersion dans le monde de l’édition numérique, ce manga offre une vue d’ensemble des écueils à éviter, des chiffres d’édition et surtout des possibilités d’évolution future vers le tout numérique pour un auteur dont l’Å“uvre n’est pas vouée à devenir un best-seller en édition traditionnelle. Le fait de diluer toutes ces informations sur presque 200 pages permet de mieux les ingurgiter. L’histoire, complètement romancée (même si elle est basée sur la propre expérience de l’auteur), offre un bon divertissement et évite de se noyer sous les chiffres ou les termes abscons.

L’auteur étant plus écrivain que dessinateur, on peut noter de grosses erreurs de proportions et une tendance à faire des têtes immense à ses personnages. Le décor est également assez pauvre par moment. Les pages sont loin d’êtres homogènes. Mais le résultat final est, somme toute, très agréable et sert avant tout la narration qui aurait été indigeste sans cette fictionnalisation des événements. Si le but est de comprendre les enjeux du numérique pour un auteur contemporain, c’est réussi. Développés en trois volumes, ils aborderont chacun un thème différent, ici, dans ce premier opus, c’est le manga, dans le second ce sera le jeu vidéo et le troisième viendra compléter l’édition numérique.

Bien sûr, le sujet même de ce livre l’empêche de toucher un public extrêmement large. Il faut avant tout être intéressé par le monde de l’édition ou de la communication numérique pour rentrer dans l’histoire et comprendre les problématiques exposées. Ce manga, contrairement à un titre comme « Bauman », cherche à mettre en image une expérience réelle de manière didactique. Le pari est réussi, même si, en refermant ce livre, il semble incongru de l’avoir lu sur papier, alors qu’il vante les mérites de la dématérialisation.

Gwenaël JACQUET

« Bienvenu chez Protect » T1 par Miso Suzuki
Éditions Akata (7,95 €) – ISBN : 2369740957

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